Projets instrumentaux, albums avec Diamond District, efforts solos ... Oddisee enchaine depuis quelques années les projets convaincants avec régularité. Obtenant dans un premier temps le respect de ses pairs et du public grâce à ses productions, Oddisee avait profité de la sortie de son premier album "People Hear What They See" en 2012 pour prouver à tout le monde qu'il avait également le bagage du mc complet.
Cette année, l'artiste de Washington confirme avec un 3ème album intitulé "The Good Fight", un titre représentatif de la philosophie de ce grand gaillard d'origine soudanaise, pas du tout attiré par les strass et paillettes des hautes sphères et encore moins des rappeurs "copycat", mais animé par cette volonté de ne jamais se conformer aux normes, de mener sa barque en solitaire comme il le fait depuis plus de dix ans en restant fidèle à ses influences tout en développant des idées fortes et engagées dans ses textes. Un noble combat.
L'album commence de la meilleure des manières avec "That's Love" et son rythme entrainant, ou Oddisee valorise ces petites attentions aux grandes conséquences, fruits de ses interactions avec ses proches. Il lorgne ensuite musicalement du coté de Marvin Gaye à la fin de "Want something done", cultive sa différence sur "Belong to the world" et ses chœurs envoutants, se lâche un peu plus qu'à l'accoutumée en assurant un refrain mélodieux sur "First Choice", ou bien se livre sur "Book Covers" à une description honnête et sans filtre de sa personne. A noter aussi l'excellent "Meant it when I said it" et la participation remarquée de Gary Clarke Jr. sur "What they'll say".
Par rapport à ses deux albums précédents, ce projet se démarque par une cohérence musicale accrue, à base de lignes de basses camouflées, de cuivres triomphants ou de boucles de piano subtiles. Le style ne change pas, un hip hop soul/jazzy qu'il manie toujours aussi bien avec ce mélange de samples et d'instrumentations live, mais la démarche parait encore plus aboutie que d'habitude, nous offrant certainement son album le plus homogène à ce jour (seul "Worse before Better" fait figure d'erreur de casting en track finale), un peu à l'image des derniers travaux de Black Milk.
Du coté des lyrics, Oddisee partage des tranches de vie, tout en insistant sur son dévouement à certaines valeurs, affichant avec fierté un état d'esprit "anti-industrie" de mèche avec ses principes. En bref, il est une sorte de monsieur tout le monde qui se sublime par la musique, avec une simplicité assumée et révélatrice d'un personnage qui n'a rien a cacher et qui ne se prend pas pour un autre.
Au final, "The Good Fight" représente une réussite de plus pour Oddisee, qui arrive à faire évoluer sa carrière tout en ne perdant pas de vue les éléments qui font sa singularité, ce qui laisse présager sans surprise de nouvelles pépites pour les prochaines années. Pour ce qui est de 2015, il a déjà gagné son combat.