The Great Mass par Joro Andrianasolo
La fin du monde faite musique. Il n’est de meilleur qualificatif pour décrire aujourd’hui l’œuvre de Septicflesh. Après un split qui avait mis en deuil bien des fans, les grecs avaient opéré un retour inespéré, affichant une forme olympique sur le diabolique Communion, plus direct qu’auparavant, mais toujours aussi grandiloquent. On ne change pas une formule qui marche, cette fois ce sont les musiciens de l’orchestre philharmonique de Prague qui leur serviront de mercenaires. Mené par un Christos Antoniou fraîchement sorti de sa formation en musique classique, avec les honneurs, c’est une équipe de tueurs qui nous sert ici un nouveau monument du metal orchestral.
L'artwork divinement hideux annonce la couleur: vocaux démoniaques, blast-beats des feux de l’enfer, chœurs héroïques, pas de doute, c’est Septicflesh. Fredrik Norström a désormais laissé sa place à Peter Tägtgren (Hypocrisy) aux manettes et s’il n’y a aucune véritable distinction dans le rendu sonore, il faut reconnaître qu’il a tout aussi bien su rendre justice à la musique de Christos Antoniou et ses camarades. Les riffs paraîtraient simplistes individuellement, ou classiques pour du death, mais ils sont clairement écrits pour être boostés par l’orchestre. Et quel orchestre ! Plus d’une centaine de musiciens: chœurs, cuivres, cordes, tous se donnent à fond et semblent littéralement « faire partie du groupe » au lieu de simplement l’accompagner. Si les passages où les uns jouent séparément des autres persistent, c’est pour mieux revenir à la charge tous ensemble. Les arrangements symphoniques sont parfois plus effacés : des titres comme "Rising" font davantage valoir les talents de mélodistes dont peuvent faire preuve Antoniou et Sotiris V, armés de leurs seules guitares. Les fans de Communion observeront que cet album en a hérité l’accessibilité (l’opener et "Five-Pointed Star", des morceaux qui font tilt à la première écoute). En revanche, l’aspect pompeux est poussé plus loin ("Oceans of Grey", ou le bien nommé "Apocalypse"). Les interventions en voix claire sont toujours bienvenues ("Therianthropy", "A Great Mass of Death"), touchant parfois à l’incantatoire ("The Vampire from Nazareth").
Alors, serait-ce encore une pièce maitresse dans leur carrière ? Voyons-voir … L’auditeur devrait passer par plusieurs phases dans sa découverte de The Great Mass. Le titre d’ouverture fait très bonne impression, parfaitement dans la veine de son aîné, et les morceaux qui suivent viennent conforter cette opinion. Il décèlera quelques variations dans le style, à défaut de réelles évolutions. Des surprises ? Pas vraiment, le chant féminin est brièvement de retour sur "A Great Mass of Death". Quelques passages plus théâtraux qu’à l’accoutumée se présentent (introduction du futur classique "Mad Architect", l'excellent "Apocalypse") . Et c’est à peu près tout. C’est peut-être ça qui cloche justement. Le spectateur navigue en terrain connu, d’où une seconde phase passée à se dire que ce nouvel effort n’est peut-être pas aussi bon qu’il le semble. Une réécoute s’avère indispensable et c’est là qu’on se dit, pas de surprises ? Et alors ? Peu importe puisqu’au final la sauce prend. Oui c’est toujours du Septicflesh, et du grand Septicflesh, tout ce que les Grecs ont proposé de plus exceptionnel ces dernières années est passé en revue. On pourrait y voir le parfait compromis entre leurs deux dernières productions. Elle ferait une bonne porte d’entrée vers le Septicflesh « moderne », pour ceux qui découvrent.
The Great Mass, c'est un peu le best-of du Septicflesh des années 2000. Il garde le meilleur des deux mondes entre le côté « in your face » de Communion et la révélation progressive d’un Sumerian Daemons. Encore une preuve qu'ils n'ont de leçon à recevoir de personne en matière de metal orchestral. Les formations alignant les bijoux musicaux comme ils le font sont rares. Une tuerie donc, pas l’ombre d’un doute là-dessus, reste à savoir où le classer dans leur discographie déjà bien étoffée.