The Hour of Reprisal par Bobby_Milk
Transféré de Psycho-Logical à Uncle Howie Records, ce kid de Brooklyn reste donc en famille pour nous révéler ce second album annoncé depuis pas mal de temps maintenant. Fidèle à lui-même, il découpe la société et la vie avec brutalité, pas de place aux sentiments. Vous voyez cette scène culte où Rocky s'entraîne sur des carcasses de viande dans une salle frigorifique ? C'est un peu l'impression qu'on a lorsque Ill Bill s'exprime derrière le micro. Poings serrés, il raconte son histoire, sa réussite improbable au travers de titre percutant comme « This Is Who I Am » rythmé par le clavier de DJ Muggs. Si on avait déjà l'impression qu'Ill Bill révélait beaucoup de choses à propos de son environnement malsain, ici, tout semble plus profond, plus obscur, encore plus introspectif, une crackhouse en guise de berceau, à en croire les terrifiantes révélations de « My Uncle » (parlant surtout de son désormais célèbre Uncle Howie). « What Wrong With Bill » vous mettait la pression ? Celui-ci vous plongera dans un climat de terreur, d'inquiétude comme on en a peu vu auparavant. Un Hip Hop hardcore au paysage chaotique, c'est la spécialité de cette grande famille de rappeurs, majoritairement blancs, unis au sein des Non Phixion, Jedi Mind Tricks ou encore plus récemment en la prometteuse formation Coka Nostra.
On retrouve d'ailleurs une grosse partie de ces protagonistes qui viennent l'épauler dans ses frasques diaboliques.« Babylon » la grande s'effrite sous ses punchlines. La pauvreté, la misère des ghettos, sans parler du crack boursier du moment qui appuie encore plus l'image de fin du monde apportée par cet album. La pochette apocalyptique a été créée par Larry Carroll, le concepteur visuel du groupe de métal Slayer. Fan de ce groupe, il en réalise l'« Unauthorized Biography of Slayer » à l'image de ce qu'a pu faire Nas sur Rakim. Produit par le synthé diabolique de son frère Necro, cette track nous rappelle à quel point la famille Braunstein est friande et très influencée par ce courant musical. D'ailleurs, cet énième projet est en tout point leur meilleure fusion entre le Hip Hop et le Métal. Adepte des gros riffs de guitare électrique, il invite Immortal Technique et Max Cavalera du groupe Sepultura pour une combinaison mémorable, la noirceur chaotique s'abat sur vous où que vous soyez en écoutant « War Is My Destiny ». C'est sûr on ne fait pas dans l'optimisme, mais la société actuelle encore moins. Conspiratrice, cachottière, assoiffé d'argent et de pouvoir, pour Ill Bill tout ce qu'elle nous raconte ou nous montre existe pour nous laver le cerveau afin que notre conscience ne réagisse pas. Suivre le troupeau comme un mouton n'est pas de son humeur, dénonciateur de cet environnement manipulateur il dévoile toutes ses pensées sur « Society Is Brainwashed ». DJ Premier apporte une touche unique, un morceau en noir et blanc sortant tout droit d'un film d'horreur des années 50/60 avec des bruitages hitchcockiens.
Des réunions obscures de fond de cave il y en a sur ce disque. B-Real, dont on attend toujours l'album solo, et l'ancien leader d'House of Pain Everlast parle de gang sur « Pain Gang », Raekwon The Chef soutient la clique sur le classico « Coka Moschiach ». Le leader des Jedi Mind Tricks, Vinnie Paz, renvoie l'ascenseur après l'énorme couplet qu'Ill Bill avait lâché sur « Heavy Metal Kings », produite par DJ Lethal « A Bullet Never Lies » vous fera un deuxième trou de balle, ses mots étant lâchés comme des gun shots. Tech N9ne a beau avoir un flow ultra rapide il n'accélérera pas le temps et ne saura pas les choses avant tout le monde, « Only Time Will Tell » comme ils le déclarent sur l'Halloweenesque track du même nom produite par Necro. Lorsqu'Ill Bill s'associe à la prod avec le danois Sicknature, un des nombreux rappers/producteurs talentueux qui gagne à être connu, l'addition devient fracassante, en témoigne le déchaînement que provoquera le morceau « I'm A Goon ». Adepte de la provocation ou des phrases chocs, il vient ici pimenter les discussions via deux chansons textuellement impressionnantes et au titre des plus intriguant : tout d'abord « Doomsday Was Written In A Alien Bible » qui prouve à quel point il aime défrayer la chronique et prendre à contre-pied ce que les institutions veulent nous faire croire avec leurs soi-disant théories. Il use du pouvoir des mots pour attirer notre attention, et pour « White Nigger » (samplant le groupe DragonForce sur « Through the Fire & Flames ») c'est plus que réussi. À première vue, le titre peut faire peur, mais lorsqu'on décortique ce qu'il y raconte on comprend la raison du pourquoi. Exclu, rejeté, critiqué, souvent à cause de sa couleur blanche et de ses origines juives, il nous dévoile ses débuts dans le Hip Hop. Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, on comprend dès lors d'où vient ce mental d'acier qu'il s'est forgé avec le temps. Une arme qu'il utilise avec brio et qu'il considère comme la plus dangereuse.
Un album d'Ill Bill, on pourrait en parler des heures et des heures tant il parle avec précision de ses sujets favoris. Drogue, violence, la guerre en Iraq, problèmes sociaux, du Hip Hop mais aussi de son tout jeune fils sur « Riya ». L'infusion de grosses guitares dans la plupart de ses productions et la virulence de ses propos font de cet album révolutionnaire un mini monument qu'il faut absolument se procurer. D'une intensité inférieure à son précédent, mais à contrario une ambiance et une approche plus variée, un ensemble plus carré. L'une des meilleures sorties undergrounds de 2008 tout simplement.
« Imagine you were given one hour, exactly sixty minutes and zero seconds to put your entire life and the world around you in total perspective. What would you say? What would it sound like? »