Tuomas Holopainen, claviériste-compositeur de Nightwish, a bien grandi. Il y avait toujours eu des côtés folk et musique de film sur les albums de Nightwish, de plus en plus affirmés sur les derniers albums, mais ils étaient occultés par les contraintes que posait le metal symphonique : l'importance des refrains, du chant en général ou du duo guitare/basse.
Et voilà, en 2014, qu'il nous offre la BO de la bande dessinée La Jeunesse de Picsou. Approuvée par Don Rosa lui-même. Rien que ça.
Il faut savoir que, même si cela peut sembler incongru en France (quoique, l'oncle Picsou est mieux installé dans le top 111 BD que sur son tas d'or à Donaldville), la Finlande d'où nous vient Holopainen est folle (mais à un degré inimaginable) des Journal de Mickey et Super Picsou Géant locaux, où ils sont véritablement ancrés dans la culture populaire. Ce projet qui peut sembler surprenant ne l'est donc pas tellement.
Et c'est un album pour le moins fascinant qui se dévoile à nos oreilles incrédules. Les différentes pistes, la plupart instrumentales, suivent les aventures de Picsou dans sa quête d'infini, et déclinent de nouvelles recherches au fur et à mesure du voyage. Ainsi, des cornemuses en Écosse, un banjo pour le Far West, Dreamtime construite autour d'un didgeridoo pour le voyage en Australie... Et tout au long, des inspirations tribales, notamment du côté des percussions.
Au cours des différentes pistes s'articulent également les différents temps de l'épopée formidable : de l'exaltation des débuts de l'aventure, on passe au burlesque avec Duels & Cloudscapes, puis une forme d'introspection prend progressivement la place de l'enthousiasme et amène des titres plus sombres comme Goodbye, Papa et To Be Rich. Enfin, les deux dernières pistes, A Lifetime of Adventure et Go slowly, Sands of Time, sont l'occasion pour Picsou de regarder en arrière, de tirer un bilan sur sa jeunesse et d'enfin se reposer sur son tas d'or.
Ce qui pourrait n'être qu'un festival ridicule est heureusement maintenu par une architecture solide : les musiciens du London Philarmonic Orchestra, mené par Pip Williams, contribuent à donner une cohérence et une identité à l'album, avec de nombreux thèmes très inspirés.
Cet album était originellement pensé pour être entièrement instrumental, et ça se ressent. Les voix sont rares et toujours effacées, elles font le strict nécessaire pour guider l'auditeur. En fait, on ne peut véritablement parler de chanson que pour A Lifetime of Adventure, emmenée par la femme de Holopainen, Johanna Kurkela, et clôturée par un solo magistral. L'album s'apparente donc vraiment de très près à une OST, ce qui risque de perdre certains fans de Nightwish.
Si l'album surprend par certains aspects, on y reconnaît toujours Tuomas Holopainen. Son désir de composer ce type de musique se ressentait déjà avant, et notamment sur Imaginaerum qui par son concept et son film associé élevait considérablement les ambitions. Holopainen a une patte bien à lui, les schémas de composition restent globalement similaires, toutes proportions gardées, et ce ne sont pas eux qui nous dépayseront donc.
Cet album constitue donc avant tout un formidable voyage, l'histoire d'un aventurier, mais mieux qu'Indochine. Et d'ailleurs il faut vraiment que je me procure la BD, maintenant.