Comme me l'a, judicieusement, fait remarquer un membre de SC (Mushroom-Man), il est intéressant de différencier la version vinyle de la version CD. Je ferais donc deux critiques sur cet album.
Tout d'abord, je voudrais parler de mon impression globale sur cet album : FZ nous a habitué à présenter des disques, qui, malgré qu'ils comportent souvent l'un ou l'autre morceau venant perturber le confort de l'écoute, n'en sont pas moins des produits à l'aspect fini. Ce qui me dérange dans celui-ci, c'est justement cet aspect non-fini, comme s'il manquait quelque chose. Ca n'en reste pas moins un album intéressant à écouter, contenant quelques perles.
Note pour la version vinyle : 8/10
J'ai une relation particulière avec cet album, et aurait donc du mal à ne pas exprimer ma déception à l'achat de celui-ci au moment de sa sortie, en 1983. Tout d'abord, il faut tout remettre dans son contexte : j'avais 21 ans, je venais de découvrir deux de ses albums, considérés par bon nombre de ses fans, comme étant deux sommets de sa discographie : "Sheik Yerbouti" et "Joe's Garage". Chez mon disquaire favori, je ne résiste donc pas à la tentation de m'acheter ses deux nouveaux albums suivants : "Ship Arriving Too Late to Save a Drowning Witch" et "The Man from Utopia". Ce dernier surtout m'interpellait par sa pochette de Liberatore, artiste dont j'appréciais particulièrement sa BD "RanXerox à New York" qui venait de sortir. Tout cela était de bonne augure. C'est donc plein d'entrain et sûr de moi que je place mon aiguille sur ma toute nouvelle galette.
Après l'écoute du premier morceau "Cocaine Decisions" j'étais aux anges, il répondait parfaitement à mon attente car j'étais persuadé d'avoir en main le petit frère de "Sheik Yerbouti (encore maintenant, je trouve que ce morceau est une introduction idéale pour un album). Le second morceau, "The Dangerous Kitchen", lui, par contre, me déconcerta (il faut dire que je n'étais pas encore, à l'époque, un amateur de l'atonalité ... d'ailleurs, je ne savais même pas que ce terme existait). Le suivant "Tink Walks Amok" était lui aussi, trop subtil. Ces rythmiques à la basse ne me parlaient pas (alors que maintenant, c'est un de mes morceaux préférés). Les choses, ensuite, se gâtaient encore un peu plus, avec un long morceau de près de 6 minutes que je n'arrivais pas à apprécier (The Radio is Broken) (encore actuellement, j'estime que ce morceau casse l'ambiance de cette première face, mais j'avoue ne pas avoir encore traduit les paroles, ce qui pourrait changer la donne). Heureusement, cela se terminait sur un morceau entraînant (Moggio) (avec des percussions dignes de l'album "Roxy & Elsewhere", mais je ne connaissais pas encore cet album à l'époque, et n'y étais donc pas sensible comme maintenant).
Au final, cette impression de disparité disparaîtra avec le temps, me faisant apprécier un peu plus cette première face quarante années plus tard.
Quand j'ai entamé la seconde face en 1983, c'était plein d'appréhension ... (FZ, déjà, me désarçonnait !).
Quelle ne fût pas ma surprise d'entendre "The Man From Utopia Meets Mary Lou", morceau que j'ai trouvé entraînant, mais anecdotique (et c'est encore le cas actuellement). "Stick Together" me réconciliait avec le Zappa de "Sheik Yerbouti", et avec lui, l'espoir d'un final sur les chapeaux de roues. "SEX" ne me convainquait pas totalement (et ne me convainc toujours pas totalement aujourd'hui, il lui manque quelque chose pour qu'il soit étincelant). "The Jazz Discharge Party Hats" me bousculait par sa technique vocale entre le discours et le chant, (alors que ce genre de morceau arythmique est maintenant, à mes oreilles, une des plus belles signatures que FZ puisse nous proposer). Heureusement, mon écoute se terminait sur un morceau royal : "We are not alone" (sur lequel je me trémousse encore toujours à chaque écoute).
Tout artiste a son album plus faible, pour FZ c'est, à mes yeux, celui-ci. J'ai l'impression qu'il lui manque quelques titres pour être complet, qu'il l'a sorti dans la précipitation ou qu'il avait déjà sa tête dans d'autres projets.
Je me suis habitué à cet album et à cet ordre d'écoute, même si j'avoue ne pas l'avoir écouté souvent. Alors pourquoi FZ a-t'il édité ce CD en 1993 avec un ordre différent, y ajoutant en plus un morceau doo-wop qui vient casser le rythme de l'ensemble ? Et, pourquoi, alors que Vinnie Colaiuta, présent comme batteur sur les morceaux "The Dangerous Kitchen" et "The Jazz Discharge Party Hats" de la version vinyle, est-il absent sur le compact disc ?
Questions auxquelles vous pourrez peut-être me répondre ?
P.S. : Sachez qu'il est impossible de se procurer ce vinyle, et que du coup, je me suis donc basé sur la version remixée de 1993, en remettant les titres dans l'ordre original. Et qu'ai-je fait de mon vinyle, me direz-vous ? Eh ben, je l'ai revendu dans les années 90 ... ben oui, il ne m'emballait pas plus que ça.
Note pour la version CD : 7/10
L'ordre choisi pour ce CD fonctionne moins bien, le rythme est différent ... en effet, pour la version vinyle, il fallait retourner la galette et la face B commençait avec une chanson rythmée (The Man from Utopia Meets Mary Lou) qui relançait l'écoute.
Avec un CD sans interruption, on n'a pas cette cassure et du coup on a tendance à s'endormir à l'écoute de cet album. En tout cas, le morceau atonal "The Dangerous Kitchen" passe plutôt à la trappe, alors qu'il était judicieusement placé en second sur le vinyle. Placer le morceau "SEX" en seconde place de l'album est une mauvaise idée, dans le sens où il est beaucoup moins intéressant musicalement que le morceau d'ouverture (Cocaine Decisions), on a l'impression de descendre d'un palier, alors que placé en seconde place de la face B, après "The Man from Utopia Meets Mary Lou", on avait plutôt l'impression de monter d'un palier. Personnellement, je trouve que le morceau "We are not alone" avait plus de sens placé à la fin, plutôt que le morceau "Moggio".
Mais surtout, que vient faire le morceau doo-wop "Luigi and the Wise Guys" ici ? A part du remplissage de CD, je ne vois pas ! Surtout, que c'est, je trouve, un des moins réussi dans le genre.
Tout cela, en tout cas, justifie, à mes oreilles, mes notes différentes pour ces deux éditions.