The Man who died in his boat
Avec son double album AIA Alien Observer/Dream loss, Grouper avait parcouru des contrées expérimentales, étirant ses sonorités drone dans l’épure la plus céleste. En 2013, Lizz Harris nous revient avec un enregistrement se rapprochant plus de la folk ambiante d’un Dragging a dead deer up hill. Avec sa simple guitare et sa voix perdue dans les réverbes dissonantes de ses fragiles partitions, Lizz Harris nous emmène dans un univers bien particulier fait de saturations drone et de mélodies acoustiques imparables touchant le cœur des plus sensibles. L’album est beaucoup moins expérimental que son prédécesseur et semble revenir à un schéma plus simple, mais toujours aussi sensoriel (« Vital » et « Cloud in places »). Lizz Harris continue son petit bout de chemin, avec ce son éthéré, cette volonté de faire cohabiter un vague à l’âme presque palpable et une grande richesse sonore. Grouper laisse s’évaporer ses complaintes vocales dans une atmosphère céleste (« Tower »). C’est le genre de musique qui s’écoute dans le noir, la nuit tombante lors d’un soir de pleine lune, une ritournelle acoustique qui déambule sans cesse dans les ruelles évanescentes de notre esprit. Avec sa simple guitare, elle use de mélodies plus classieuses les unes que les autres, avec une sincérité et une émotion implacable (« living room »). The Man Who Died in His Boat est en apesanteur, semblant flotter au-dessus de nos sens les plus aigus. Derrière ce calme presque cathédrale, se cache un spleen, une souffrance à fleur de peau aiguisée avec les quelques accords cristallins de sa guitare. A l’instar d’un Terrance Malick, la musique de Lizz Harris est sensorielle, entouré d’une brume presque aveuglante, se dévoilant à petits pas. La musique de Lizz Harris est comme une prière, elle se vit personnellement, elle libère l’esprit d’un poids presque insurmontable, comme si sa voix venait débloquer un vide engouffré en nous («Cover the long way »). Avec sa voix fredonnante, ses accords acoustiques qui nous chuchotent derrière le creux de l’oreille, Grouper réalise un album tout en douceur, nous enfermant dans une bulle qu’on ne voudrait jamais quitter.