Génèse
A l'annonce de cet album, j'étais fébrile. Fébrile a l'idée d'entendre Damon Albarn avec un orchestre, avec une vraie cohérence avec un thème qui me touche : l'Islande. Un album consacré à l'Islande, principalement instrumental, afin de retranscrire des émotions ressenties par Albarn au cours de son voyage, tout cela m'intriguait. Puis la pandémie que tout le monde connaît est venue rattraper tout le monde, empêchant les concerts, et ainsi de suite... L'album change alors de format : de multiples pièces instrumentales, on passe à 11 chansons. Premier point sur lequel je faiblis, Damon Albarn est bon dans ses textes mais j'aurais aimé l'entendre autrement... Pourquoi avoir changé en cours de route ? Pour moi, c'est là où tout bascule, quand la promesse d'origine évolue, mute, on ne passe pas d'une pièce principalement instrumentale a un recueil de chansons comme ça...
Unité ?
Il n'y a pas d'unité dans cet album, alors que celui-ci semble être construit comme un album concept. Plusieurs interludes, des transitions liées à la mer, une iconographie basée sur des photos de l'Islande, tout cela semble crier l'album cohérent. Et pourtant, rien ne semble avoir d'unité, rien ne semble être cohérent. D'un moment pur et éthéré, on bascule a une chanson dissonante au possible, puis a une pop que l'on aurait pu entendre sur Plastic Beach... Au sein même des chansons, les intentions et les émotions se contredisent, maladroitement, Daft Wader en est le meilleur exemple, magnifique au début, inutile a la fin. Il y a un clair problème de cohérence, que fait The Tower of Montevideo ici ? Dans un album profondément mélancolique, mettre une bossa que l'on pourrait entendre dans un ascenseur, ce n'est pas a sa place, surtout après l'avalanche qu'est Combustion, Royal Morning Blue, et j'en passe.
Trop
Damon Albarn a ce tic : il en met toujours trop, il ne sait pas s'arrêter, il n'a pas cette force de l'épure qui pourrait rendre ces compositions bien au dessus du lot de la pop actuelle. Ce n'est pas un hasard si la chanson titre est la mieux notée sur ce site : elle retranscrit parfaitement les intentions de l'auteur, cet aspect éthéré de l'Islande, mélancolique, avec quelques violons, un synthé et une guitare tout en douceur. Puis vient The Cormorant, et voilà qu'il y a une boîte à rythme, une basse, un piano, une guitare, de synthés en veux-tu, et d'autres instruments qui se contredisent. Il y a ici de la contradiction : chaque instrument vient apporter une touche, mais est toujours doublé par un autre qui vient le desservir plutôt que le renforcer.
Le pire crime reste pour moi Daft Wader. Cette fin... N'a rien a faire ici. Une fin sombre pour un morceau envoûtant, je n'ai rien contre, j'aime particulièrement ça quand c'est bien fait. Mais la, c'est forcé, c'est un retournement bien trop rapide et trop lourd pour être véritablement impactant dans le bon sens. Pourquoi ce synthé sur Montevideo ? Il y en a trop, toujours trop, et quand dans un song machine ça fonctionne, car les intentions sont claire, vouloir jouer le rôle de l'épure et du spirituel ne fonctionne pas lorsque l'on met trop d'instruments.
Un problème de thème
Que veut me raconter Albarn ? l'Islande ? Son isolement ? La beauté ? La tristesse ? Son hôtel ? Sa naturalisation ? Sa mélancolie ? Je ne sais pas, car tous les titres viennent raconter une histoire différente, même dans leur musique : passer de l'angoisse dissonante de Cormorant a Royal Morning Blue, c'est... Osé ? Pourquoi ne pas avoir introduit l'album sur Esja et embrayé sur The Nearer the Fountain? Bien plus cohérent, a la manière de RMB et Combustion. En définitive, il n'y a pas de cohérence, tant musicale que thématique. Song Machine est incohérent, certes, mais cette incohérence est normale, parce que chaque chanson est un univers différent. Là, l'univers est le même tout le long de l'album, mais aucune chanson n'est dans le même moule.
Du coup, je n'ai qu'à écouter les chansons individuellement ? Non, non car elles font partie d'un album, et je le juge en tant que cohérence, pas en tant que recueil de chanson, ce qu'il n'est pas, mais aurait dû être. Prenons le premier essai d'albarn en solo, Everyday Robot. Celui-ci montre un univers , des sonorités et une force de l'épure a tout épreuve. Là, non.
Conclusion : Dans un autre registre, Sigur Ros propose une vision de l'Islande plus aboutie, Bjork de même, espérons qu'avec sa naturalisation, Albarn parvienne à mieux retranscrire l'amour qu'il porte pour le pays.