Le Démon de Midi
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le 7 oct. 2024
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La manière dont black midi a annoncé sa séparation ne pouvait pas être plus désinvolte. Le 11 août 2024, Geordie Greep lâche la nouvelle dans un live Instagram anecdotique, avec ces mots écrits dans un commentaire passés à la postérité :
Black midi was an interesting band that's now indefinitely over. No more black midi. It's iver. Over
Une nouvelle bien vite remplacée, puisque 10 jours plus tard, l'ancien leader/chanteur/guitariste dévoile son premier extrait Holy, Holy. En réalité le dernier des titres puisque sous le nom du groupe, plusieurs morceaux du nouvel album avait été déjà joué dans des versions live, en tête The Magician.
Mais il faut avouer que la fin de black midi était quand même redoutée, puisque le groupe n'avait rien sorti en deux ans, et que Hellfire avait dès sa sortie une impression de chef-d'œuvre indépassable. Alors, ce nouvel opus par ce qui semble être son leader ne pouvait être qu'une bonne, vu que tout le monde l'a interprété comme une suite non officielle. Avec toutefois une petite crainte ; celle que cela ne soit pas tout à fait à la hauteur.
Mais c'est avec un certain plaisir que l'on découvre que la recette de The New Sound découle de celle de Hellfire. Greep semblait de plus en plus être inspiré par divers genres dansants, et Hellfire -notamment dans sa seconde partie- partait de l'agressivité pour nous amener vers ces autres genres : Eat Men Eat avait ce brin de flamenco, Dangerous Liaisons tirait dans la bossa nova, et 27 Questions nous faisait une interlude digne d'un cabaret au milieu du chaos.
Ici, c'est le chemin inverse. The New Sound part de ces genres latino, dansants, et quelques fois nous amène vers un jazz-rock plus brutal : Terra est un pur morceau de mambo, le morceau-titre démarre comme du lounge pour un crescendo jazz fusion, quant à If You Are But a Dream qui clôt l'album, impossible de le dissocier des crooner les plus célèbres (bon bah en fait c'est littéralement une reprise de Frank Sinatra).
Rassurez vous, le brutal est toujours là, en témoigne Walk Up ou Motorbike. Greep prend toujours un malin plaisir à aller piocher dans ses nombreuses inspirations pour proposer des collages plus ou moins subtils, mais toujours cohérents. Ravi de voir qu'il est toujours honnête sur ses influences, quitte à les présenter clairement, mais c'est toujours pour les profiler vers un autre terrain.
Et toutes ces références, ça rend Greep bien généreux. En témoigne Holy, Holy, où malgré une structure assez simple (on a des couplets, des refrains, et un outro), le morceau s'étale sur 6 minutes parce qu'on dirait qu'il veut essayer TOUS les arrangements possibles. Ce qui va de paire avec le mini-orchestre que le chanteur trimballe avec lui, notamment une petite section de cordes et de cuvire. Sue dire de tous les micro-détails qui sont dans cet album ! À l'exemple de Terra, où le synthé se charge de faire la transition avec le refrain le temps d'une seconde, et uniquement pour ça. Encore mieux, Holy, Holy où le saxo apparaît le temps d'une contremélodie, et qu'on ne l'entendra plus du morceau. Alors, c'est chouette hein, ça donne du rythme et de la fraîcheur, mais attention à l'abus.
Car à force d'être généreux, il finit par en être gourmand, et est à deux doigts d'en rendre son album indigeste. Si The New Sound tend sur une heure de contenu dense, il aurait peut-être mérité d'être raccourci par moments. Par exemple, je me serai bien passé d'un Bongo Season, ironiquement un peu trop court pour être intéressant. Ou même la partie finale de Walk Up qui vient le ruiner (je pèse mes mots). Je pinaille peut-être, mais si il avait découpé ça comme un morceau à part, j'aurais été un peu plus tolérant. Comme quoi, même au profit de l'humour, tout n'est pas si bon à prendre.
Le texte est là pour confirmer la tendance dansante/chaotique de l'album. Ce n'est pas un concept dans le sens d'une histoire filée, mais plutôt qu'il incarne un même personnage, à la personnalité profonde. Si dans un premier temps il paraît comme un pathétique incel immature en désespoir de conquête, il se révèle progressivement comme un fin manipulateur edgy à l'ego surdimensionné dans le but de dominer ses proies, non pas pour satisfaire sa libido excédante, mais pour être vu par les autres comme un conquérant, parfois menaçant, jouant sur les frontières de l'agression. Oui tout ça à la fois. La masculinité toxique semble être qui intéresse Greep, en témoignait déjà le clip de Welcome to Hell. Mais tout au long de l'écoute de l'album, le personnage évolue lentement. Si on commence sur une sorte de mâle alpha envahissant, il finit peu à peu par se faiblir, et se montrer plus émotivement atteint. Comme le montre The Magician, qui relate un personnage complètement dominé par sa frustration sexuelle et affective. Quant à If You Are But a Dream, ça semble presque comme un pied de nez qui se fout de son large éventail de références et nous de notre élitisme, en reprenant une chanson de lover du plus célèbre des crooners. Mais après nous avoir conté les aventures d'un jeune homme dérangé par sa libido, la chanson prend une toute autre dimension, presque dérangeante.
On l'a compris, le premier album solo de Geordie Greep est dans la pure lignée de black midi, et il est difficile de déterminer avec certitude si le changement de style est vraiment due à une liberté de cette séparation ou si elle aurait quand même eu lieu avec la même line-up. Ce qui en fait un bon point sans réelle contrepartie, tant la recette de base tenait -presque que- dans la richesse des nombreuses références.
Mais du coup, Hellfire, vraiment un chef-d'œuvre indépassable ? oui
Ce nouvel album est vraiment intéressant à bien des égards, et apporte de nouvelles perspective, mais part parfois un peu trop dans tous les sens. Après tout, ce n'est pas par hasard si Hellfire se tient en 38 minutes consistes, mais intenses d'un bout à l'autre. Peut-être que Greep a tout mis dans la peur de pas pouvoir donner de continuité à cet album (j'espère pas). Mais c'est sans doute la preuve qu'il a encore beaucoup de choses à dire.
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Créée
le 6 oct. 2024
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