The Nothing
6.5
The Nothing

Album de Korn (2019)

Père fondateur d’un mouvement musical décrié, groupe has-been pour beaucoup, ou poliment oublié aujourd’hui, qu’attendre d’un album de Korn en 2019, qui plus une année qui aura vu d’autres blockbusters du metal faire le grand retour (Tool, Rammstein, Slipknot) ou annoncer une rereformation histoire de payer les impôts (RATM, SOAD) ? Pas grand-chose à vrai dire. D’autant que, même si l'arrivée de Ray Luzier à la batterie en 2007 et surtout le retour d’Head en 2013 auront offert un second souffle à un groupe en perte de vitesse, son âge d’or, artistique et commercial, est bel et bien derrière lui. Et si les deux disques précédents, marquant le retour du guitariste, auront permis de laver l’affront des sorties de la 2nde moitié des 2000’s et début 2010’s (pas si mauvaises qu’on a bien voulu nous le faire croire à l’époque), le fait est que malgré une efficacité indéniable et d'excellents titres, ces deux bons crus n’étaient pas indispensables. Raison pour laquelle ces quelques lignes arrivent presque 3 mois après la sortie du disque. Histoire de constater s’il vit mieux que ses prédécesseurs.


Ce qui nous mène donc à ce Nothing (et son bien bel artwork), 13e disque du groupe. Sans entrer dans la genèse de sa tragique conception, The Nothing pourrait aisément être considéré comme un concept album tant le drame qui a frappé Jonathan Davis, donne une aura macabre au disque, et ce tout au long des 45 minutes et 13 titres. Toutes les étapes du deuil semblent ici prendre forme musicalement : le choc et le déni ("The end begins"), la colère ("Cold)", le marchandage ("The ringmaster", "Harder"), la dépression ("Gravity of discomfort", "The seduction of indulgence", "Can you hear me"), avec une prédominance pour l’acceptation ("Idiosyncrasy", "Surrender of failure", "Finally Free", "This loss") comme si Davis avait réussi à faire le deuil de l’être aimé.


Musicalement, en schématisant grossièrement, The Nothing se situe à la croisée des chemins entre Issues et Untouchables tout en ne reniant pas le son récent du groupe (notamment la production). Habitué à prendre son auditoire de court en se lançant dans des innovations plus ou moins heureuses, The Nothing est du pur Korn. Tout y est : la rythmique pachydermique, la cornemuse qui fait ici un retour majestueux, le riffing écrasant et frontal, les dissonances, les refrains léchés, le chant plaintif d’un Davis au bord de la rupture, la noirceur… Si la structure des titres reste classique (gros riff, couplet, refrain, couplet, refrain, pont, refrain; pas un titre dépassant les 5 minutes), The Nothing, contient deux catégories de morceaux : le classic' Korn fait pour envoyer le bois ("Cold", "You’ll never find me", "Idiosyncrasy", "Harder") et ceux plus aventureux ("This loss", "Finaly free", "Surrender to failure"). Les éternels adeptes du c’était mieux avant (et les autres) seront ici en terrain conquis. Mais la véritable force de The Nothing est de ne pas de tomber dans l’autoparodie putassière comme ça a déjà pu être le cas (Take a look in the mirror, Korn III) et d’offrir le terrain de jeu parfait à Davis pour exorciser ses démons.
Véritablement investi (ça fait une grande différence), ce dernier brille de mille feux et excelle dans tous les registres : le growl de "Cold", la mélodie ultra entêtante voire « popisante » ("Gravity of Discomfort"), les parties saccadées à la limite du borborygme si cher au chanteur et ces passages typiquement kornien de calme avant pétages de câbles ("Darkness is revealing", "Idiosyncrasy"), avec comme point d’orgue le somptueux "This Loss".


Si, comme toujours chez Korn, le véritable MVP est bel et bien Davis, il convient de rendre hommage à Ray Luzier qui livre ici des plans de batterie monstrueux et amène Korn vers de nouveaux territoires (comme sur "The ringmaster" ou "Cold"). Le batteur, remarquable de justesse, invite par là même les autres membres du combo à se dépasser et à sortir de leur zone de confort.
Bon point aussi pour la basse de Fieldy. Element pourtant essentiel du son des californiens, il apparaissait comme perdu depuis plusieurs sorties. Soit bien trop mis en avant ou à l’inverse aussi discret qu’un Ibrahimovic face à un Giorgio Chiellini, le bassiste est ici bien présent, sans monopoliser l'espace, tout en offrant un peu de variété bienvenue à son jeu (même si les parties slapées reste bien présentes comme sur "Gravity of discomfort")


The Nothing est donc du grand Korn, viscéral et infatigable. Un album inespéré, se bonifiant au fil des écoutes. Celui qu’on attendait plus d’un groupe devenu trop routinier. Korn montre ici qu’il en a encore sous le pied et confirme par là même la théorie selon laquelle un bon disque du groupe correspond à une salle période pour son frontman.

BenjLocat
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le 1 déc. 2019

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Benj Locat

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