Ça fait drôle de se dire que cette partition marquera sans doute la dernière collaboration de John Williams et Steven Spielberg pour le cinéma. Non qu'elle soit mauvaise, loin de là. Mais, si le compositeur (âgé de 88 ans tout de même) confirme sa retraite annoncée après avoir écrit la bande originale de Star Wars 9, cela signifie que The Post place un point final à une association artistique hors du commun, longue d'une quarantaine d'années et riche de moments mémorables, entrés à jamais dans l'histoire du Septième Art.
Dès le premier titre du disque, "The Papers", The Post s'inscrit dans l'héritage du travail mené par les deux hommes durant les deux dernières décennies. Rythmé par une ligne de percussions électroniques discrète, le suspense se met en place sans fracas, jouant d'une opposition entre des graves appuyés, des lignes de cordes aiguës et des petites mélodies répétitives soufflées par les vents.
On entend là certains passages de Minority Report, Munich, Catch me if you can... Analogie qui va se poursuivre dans une grande partie du disque, avec notamment des passages jazzy et piano seul. Des choix qui contribuent par ailleurs à inscrire totalement le long métrage dans son époque historique, les années 70, et dans une tradition cinématographique hollywoodienne, le film de journalisme.
Dans un tel contexte, le travail de John Williams se fait également moins expérimental qu'il pût l'être pour accompagner le cinéma de Spielberg à partir des années 2000. Le vénérable compositeur revient à un style plus classique, illuminé de quelques envolées dont il a le secret ("The Presses Roll" et ses cordes staccato), et de mélodies plus nettes - un aspect pratiquement effacé de B.O. comme celle de War of the Worlds, par exemple.
Du reste, The Post n'est pas non plus un film laissant un grand espace à la musique. A l'image d'un Spielberg décidément néo-classique après Le Pont des Espions, la partition cède souvent la place à la parole - l'expression, sa liberté, sa manière de la mener, étant finalement le sujet central du long métrage.
John Williams l'accompagne donc avec tact et une discrétion étudiée, qui n'empêche pas de ravir l'oreille lorsqu'on écoute la bande originale seule.
Pour Ready Player One, le choix au pupitre d'Alan Silvestri (en plein retour en grâce depuis sa collaboration à l'univers Marvel) était une bonne idée, son style faisant écho sans peine à l'univers des années 80. Néanmoins, j'aurais adoré entendre ce que Williams aurait pu inventer pour accompagner le long métrage démentiel de tonton Steven (plus du tout néo-classique, pour le coup).
On en restera donc à The Post qui, sans rentrer dans les annales, peut figurer sans honte dans les collaborations les plus élégantes et raffinées entre John Williams et Steven Spielberg.