Je sais plus qui disait qu’au vu des dernières productions de YES, il était peut-être temps qu’on leur dise « Non » (en fait tout le monde a déjà fait cette blague depuis un bon moment). Depuis le départ du membre fondateur qu’était Jon Anderson dans les années 2000, les membres se sont amenuisés. Le bateau a pourtant tenté de reprendre la route tant bien que mal, naviguant comme il pouvait, multipliant les albums oscillant entre le bon (« Fly from here » en 2011, probablement un coup de chance, le chant du cygne de YES visiblement) et le moyen voire médiocre. Surtout que depuis la disparition de Chris Squire en 2015, des membres originels ayant fondé le groupe, il ne reste plus personne. Dans les anciens qui sont là pourtant depuis un bon moment et arrivé en cours de route, citons Alan White (dont ce sera l’ultime réalisation au sein de Yes puisque le batteur nous a quitté en 2022) et Steve Howe dorénavant nommé leader officiel du groupe. Au passage, Jon a dit qu’on ne l’y reprendrait plus et s'amuse très bien de son côté tandis que Rick Wakeman n’était visiblement pas chaud non plus pour tenter un retour dans cette nouvelle et probablement finale mouture.
Du coup rentrons tout de suite dans le vif du sujet, est-on dans un bon Yes ou plutôt un album moyen voire mauvais justement ? Je n’ai pas envie d’être médisant mais de rester objectif et ce non seulement par amour de YES, voire d’une probable nostalgie tout comme la nécessité de reconnaître de la bonne mélodie quand elle se présente. En fait, ce serait le premier LP d’un nouveau groupe débutant de petits jeunes qui se lancent dans le prog, je dirais que c’est pas mal, voire par moments assez cool.
Sauf que.
Le hic c’est que ça vient de vétérans confirmés qui ont près de 30 à 50 ans d’expérience musicale. Et là ça fait mal, le bât blesse un peu. Autant le dire franchement, on aurait espéré mieux de Steve Howe pour le coup vu qu’il reprend YES. Bref, assume Steve. Surtout avec des compositions comme ça qui divisent direct : Entre les gens qui trouvent ça bien sur le net (si, si) et ceux qui dénigrent littéralement ce qu’est devenu le groupe en sortant les injures (si, si – bis --), visiblement il ne peut y avoir de juste milieu. On va essayer toutefois de rester dans une chro qui fait la part des choses, vous voulez bien ?
On sera tous d’accord pour reconnaître justement qu’en temps que producteur, Howe a fait d’énormes progrès depuis son premier album où il partageait les manettes avec Eddie Offord, le producteur historique du groupe, « Beginnings » en 1975. Jamais le son n’a paru aussi clair chez l’entité YES, aussi limpide, aussi beau, c’en est presque incroyable, on serait presque prêt à pardonner YES et le son dégueulasse de « Open your eyes » en 1997 par Billy Sherwood (haha ……lol, non). Sherwood qui visiblement était pour 50% dans la création de « Open your eyes » (guitare, claviers, enregistrement, mixage…), ça explique bien des choses. Bon, arrêtons de tirer sur l’ambulance. Le packaging aussi est très bien sur The Quest il faut le signaler : livret riche de notes, paroles, croquis de Roger Dean, lequel signe d’ailleurs une pochette magnifique, probablement l’une des plus belles réalisées pour YES, c’est pas rien. Et un album de YES ça compte beaucoup aussi dans son aspect visuel, avec la musique ça forme un tout. Là, bref sur ce plan on est gâtés.
Sur le plan des compositions et de leur originalité par contre ça va botter un peu en touche.
En écoutant bien, on remarque qu’on a un orchestre symphonique qui intervient légèrement pour rehausser certains morceaux et leur donner le petit plus (un certain Oleg Kondratenko est aux baguettes sur Dare to know, Minus the man et Leave well alone). Une bonne idée en soi qui permet de prolonger les expériences symphoniques réussies du passé (1) et qui sera reconduite sur l’album d’après en 2023, « Mirror to the sky ».
Et pour le reste… Ben on écoute l’album, on lance la première piste. C’est pas dégueu, les mecs savent encore bien jouer. Un peu court. On passe à la suivante.
Deuxième piste. C’est pas dégueu, les mecs savent encore bien jouer. Un peu court. On passe à la suivante.
Troisième piste. C’est pas dégueu, les mecs savent encore bien jouer. Un peu court. On passe à la suivante.
Quatrième pist…. Bon, vous commencez à me comprendre.
Les compositions en fait manquent d’un truc.
On est dans le « juste bien », pis c’est tout. Cela pourrait aller plus loin mais non, on est comme en pilotage automatique, Yes fait dans la zone de confort, le doudou musical (2). Et la production magnifique de Howe quelque part n’arrange pas les choses pourtant. Elle les aseptise même. Ce qu’il nous faudrait c’est un peu de surprise, un peu d’audace.
Oui, Steve sort la guitare acoustique pour jouer les contrastes par exemple sur Leave well Alone. Comme je l’ai dit plus tôt c’est pas dégueu en effet. Mais ce genre de pont musical entendu en ouverture et au milieu ne vous rappelle pas du déjà vu (3) ? Certains titres courts penchent plus vers une pop stylée sans pour autant tenir la distance. Même que quand j’écoute la dernière piste, « A living Island » j’entends une musique d’animé, ce qui en temps normal me plaît bien, moins ici sous l’étiquette YES vous l’aurez compris.
Et sans faire la fine bouche non plus, coller un disque bonus de trois titres aussi basiques les uns que les autres, ça sert à rien, déso, pas déso. Sur tout l’album quelques pointes sympathiques (4), beaucoup de mollesse et de moyen, le Yes de Steve Howe est fatigué (Alan White est fatigué, Billy Sherwood n’est clairement pas au niveau de Squire côté basse, la voix de Jon Davison est belle mais trop simple…).
Au final on a souvent l’impression d’un album de transition pour faire patienter le fan avant un album encore bien meilleur (5) et le fait que Howe soit pleinement impliqué dans l’album avec quand même un niveau d’écriture conjointe en groupe le fait plus ressembler à un album de Howe, le comble. Un album moyen de Yes donc mais un bon album de… Steve Howe.
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(1) J’ai fait deux belles chroniques de Time and a word et Magnification sur ce site, n’hésitez pas à aller les lire, merci d’avance les potos.
(2) A ce stade je peux sortir le terme un peu péjoratif de « Adult rock » dont on a pu affubler certains groupes ayant dépassé 2 décennies de carrière. On avait mis sous ce sobriquet le « Division Bell » de Pink Floyd à sa sortie et pourtant c’est un album que je réécoute un peu plus que cette quête. Quête de quoi exactement d’ailleurs ? De retrouver l’identité perdue de Yes ? Il y a encore du boulot les gars…
(3) Les fans me souffleront que une structure similaire se retrouve sur Awaken de « Going for the one » (vous remplacez l'ouverture puis le break du milieu non pas à la guitare mais à la harpe d’Anderson). Oui mais en 15mn (le double donc de ce « Leave Well Alone » donc), le groupe avait alors suffisamment d’espace pour faire respirer le morceau et nous enchanter sur la durée.
(4) L’entame de « The ice bridge » la première piste est vraiment chouette. C’est peu après que l’album commence déjà à fatiguer, à la troisième piste.
(5) Mais en fait l’album de 2023 s’avère lui aussi avoir du bon et du franchement laborieux, ah bordel. Encore loupé.