The Remains par Théo Abarrategui
Déterminés à devenir le plus grand groupe de rock du monde, les Remains n'ont finalement existé que deux petites années, entre 1964 et 1966, faute de réel succès. Pourtant, sous la glorieuse houlette de leur leader Barry Tashian, jeune homme au physique disgracieux mais charismatique, doté d'une voix singulière et de merveilleuses aptitudes au songwriting, ce petit groupe de Boston a su s'illustrer comme le pendant "East coast", si l'on peut parler ainsi, des Standells de Los Angeles. Et lorsqu'on connait le niveau des Standells, ce n'est pas peu dire.
En un 33-Tours radical, et une poignée de singles fabuleux autour, les Remains ont su capter de manière brillantissime la brûlante énergie du rock américain du milieu des années 1960, mais ils ont aussi contribué à incorporer dans celui-ci une touche pop (qui était alors beaucoup plus British qu'américaine !) parfaitement maîtrisée. Leur musique s'en trouve, pour les siècles des siècles, lumineuse et revitalisante.
Le LP original, 10 titres pour à peine une demi-heure, est l'écrin de leur emblématique "Don't Look Back", qui illustre à merveille tout l'éclat et le potentiel du groupe. L'écriture comme la composition vont droit au but, comme à travers les petites bombes d'énergie que sont "You Got A Hard Time Coming", "Time Of Day" ou "Say You're Sorry". D'autres fois, les Remains savent se faire plus aventureux: ainsi, "Heart" est une magnifique ouverture en forme de crescendo où la tension monte jusqu'à l'orgasme (auditif, du moins, mais, allez savoir...). Barry et ses acolytes savent aussi se faire splendides lorsqu'ils se tournent vers l'acoustique, en témoigne la sublime ballade "Thank You". Et les petits gars n'oublient pas de rendre hommage aux glorieux anciens ayant pavé la voie du rock'n'roll, avec une excellente reprise du "Diddy Wah Diddy" de Bo Diddley (chanson très reprise à l'époque, hymne des jeunes loups garage-rock US).
A ce disque merveilleux viennent s'ajouter d'autres pépites, singles ou faces B enregistrés entre 1964 et 1966, présents pour notre plus grand bonheur en bonus tracks de l'édition CD de "The Remains". L'occasion de s'aventurer, pour ce qui est des meilleurs moments, dans le mélancolique "But I Ain't Got You", ou les leçons de pop que constituent les addictifs "Baby I Believe In You" et "When I Want To Know", toutes deux entièrement signées Barry Tashian, s'il fallait encore prouver le talent de celui-ci.
Passée l'aventure des Remains, Barry poursuivra son chemin artistique dans une veine country-folk, accompagné de sa femme Holly. Mais c'est bel et bien au sein de son groupe de jeunesse qu'il laisse son empreinte la plus importante. "The Remains", c'est 50 minutes (bonus compris) qui se hissent au niveau des plus grands et captent la grandeur d'une époque comme peu ont aussi bien su la capter. Une série de petits chefs d'oeuvre de 2'30 rigoureusement indispensables à tout mélomane pop ou rock qui se respecte.