Cinquième album de Muse, The Resistance divisera les fans peut-être davantage encore que son prédécesseur Black Holes and Revelations.
Pourtant, le groupe n’est pas en panne d’inspiration. Tout d’abord, l’album contient ce qui peut être considéré comme l’un de ses meilleurs titres à ce jour, « MK Ultra », dont la mélodie de synthé est immédiatement captivante et qui n’en finit pas de nous épater le long de sa structure complexe. A l’occasion d’un motif orientalisant, d’une superposition de voix aux accents robotiques ou d’une montée en puissance rythmique, Muse dévoile l’étendue de son talent. Etonnant que ce morceau ne soit pas plus mis en avant au sein de leur répertoire.
Comme son titre l’indique, « United States of Eurasia » nous transporte également vers l’Asie, mais avec un parti pris encore plus radical. Sur ce morceau, Matthew Bellamy s’approprie toujours plus les codes du rock progressif. N’ayant peur de rien, il joue carrément au piano une reprise de Chopin en guise de conclusion. Moins évidente à appréhender, la suite finale « Exogenesis » est aussi dans cette veine. Cela ne vaut pas certes du Yes ou du King Crimson mais ça reste un prog rock qui se tient.
Ce qui a rebuté une partie du public est l’orientation electro voire RnB assumée par le groupe. Or, rappelons qu’il ne s’agit que d’une orientation parmi d’autres sur un album éclectique. En tout état de cause, « Uprising » est un morceau vibrant et plein d’énergie, qui tient toujours autant en haleine sur les refrains, tandis que « Undisclosed Desires » est une ouverture somme toute réussie vers la dance music. Ces hits planétaires demeurent originaux en termes de rythmes et leurs sonorités sont agréables à entendre.
Certains ont également pu être réfractaires aux consonances pop rock de morceaux dans la veine de « Starlight » sur l’album précédent, mais faisons la part des choses. « Resistance » et « I Belong to You » sont convaincantes avec leurs mélodies accrocheuses, même si la seconde est susceptible de lasser à cause de son caractère entêtant et de la présence d’un intermède douteux chanté en français. Seule « Guiding Light » est définitivement à jeter – comment ont-ils pu faire ça ? C’est la question qu’on se posera pour au moins un morceau sur chaque album à compter de Black Holes and Revelations, malheureusement.
Quant au sens de l’album, comme on peut le deviner, c’est un grand appel à la résistance. Matthew a puisé son inspiration dans 1984 de George Orwell. On aura certes croisé plus original comme sujet, et entendu des paroles plus subtiles pour en traiter, mais que dire de « You and I must fight to survive » sur « Knights of Cydonia » ? Ce n’est pas plus subtil sur le papier, et pourtant, ça devient magnifique dans son contexte musical.
Avec The Resistance, Muse enterre définitivement son identité de trio de rock alternatif bourrin et mégalo, qui avait fait la gloire de Origin of Symmetry et Absolution. Malgré un retour aux sources tout relatif avec Drones, cette facette qui fut la meilleure d’eux-mêmes est terminée. Il y aura encore du rock de cette trempe mais ce ne sera plus qu’un élément parmi d’autres. Alors, on peut pleurer ou écouter sans a priori ce qu’ils ont d’autre à offrir.