Pompier fait de la resistance
Avec leur quatrième opus "Black Holes and Revelations" le trio du Devon avait expérimenté de nouvelles approches musicales pour varier son son et ses chansons. Si les choses se sont faites avec plus ( Knights of Cydonia, Map of The Problematics) ou moins (Take a bow) de bonheur, le cinquième album était l'occasion rêvée pour concrétiser les efforts fournis et de corriger les approximations.
Et s'il y a bien une qualité qu'il faut reconnaître à Muse sur cet album c'est un certain sens du risque, peut-être plus encore que sur le précédent album. Un groupe qui essaye de faire évoluer sa musique de façon profonde, alors qu'ils sont en pleine gloire, semble témoigner d'une démarche artistique profonde. Hélas, mille fois hélas, cette évolution musicale se fait au détriment de la qualité. Sans doute galvanisés par la locomotive "Starlight" (qui a littéralement fait exploser le groupe au plus grand nombre et surtout aux USA) les p'tits gars de Teignmouth abandonnent les riffs astucieux et les élans cathartique pour une orientation bien plus pop fm. Tout le travail effectué sur l'album semble ainsi tendre vers un lissage, un formatage du son Muse.
On ne manquera pas de remarquer un son globale beaucoup moins électrique et beaucoup plus formaté. La basse de Chris Wolstenholme se fait étonnamment discrète, la guitare de Matt Bellamy semble en panne de riffs, la batterie de Dom Howard se fait paresseuse.
En résulte ainsi des chansons sympa pour la radio (Uprising, Resistance, United States of Eurasia) mais qui sortent par l'oreille gauche aussi vite qu'elles sont rentrées par la droite. Les chansons en question témoignent pourtant de bonne intentions (le dernier refrain de Uprising, la montée finale de Resistance, la structure en 3 blocs d'United States of Eurasia) mais l'ensemble est décidément trop mou, trop quelconque pour retenir l'attention (mention spéciale au long solo d'Uprising d'une paresse absolue).
A côté de ça le groupe signe l'une de ses pires chanson avec l'ignoble "Guiding Light", hymne sirupeux et mou du gland d'un ridicule achevé qui semble exprès fait pour passer sur cherie FM. On passera aussi sur l'anomalie "Undisclosed Desire".
Suit alors la paranthèse "Unnatural Selection" et "MK Ultra" qui semble sonner le retour de la guitare. La première se frotte au rock progressif là ou la seconde joue la carte du tube rock propre sur lui. Des chansons qui se révèlent agréable à écouter mais qui peinent à titiller les sommets du groupe. Le vernis FM de l'album n'épargne pas ces chansons rock qui restent finalement assez anecdotiques. Là encore les titres s'oublient assez vite, il n'y a rien de réellement renversant.
Puis arrive "I belong to you" une chanson qui ne ressemble à rien de ce que le groupe ne faisait jusque là. Une chanson étrange mais diablement aguicheuse avec sa basse groovy géniale (le seul moment de l'album où Chris Wostenholme sert à quelque chose), sa rythmique jazzy au piano, ses arrangements guillerets (les mains qui clappent, idée de génie) et son refrain dansant. Un état de grâce qui s'écroule malheureusement assez vite. Après le second couplet la chanson se dissout dans une soupe à peine mélodique où Matt Bellamy fait tous les efforts du monde pour massacrer son texte en français. Le groupe reprend un vrai opéra mais la cohabitation avec le reste de la chanson est difficile. Un yaourt inversée assez gênante sur laquelle vient se greffer des parodies post Queen elles aussi très embarrassantes. 3 minutes de n'importe quoi, sans structure, sans intérêt autre que de démolir ce qui était jusque là une chanson inspirée. Pour une fois la "radio edit", amputée de ce passage à vide, rend bien mieux que la version album.
Une chanson symptomatique d'un groupe en roue libre créative, qui possède encore des idées mais qui peine de plus en plus à les canaliser. Libre de toute contrainte le groupe semble se refuser à faire des choix et s'autorise tout et surtout n'importe quoi. Tel le pâtissier qui étouffe son gâteau sous une tonne de meringue écœurante.
Pourtant Muse a encore une cartouche à tirer : Exogenesis, une symphonie en 3 mouvements. Depuis l'écoute de l'excellente "Megalomania" en clôture d' "Origin of Symmetry" les fans du groupe rêvaient à un morceau classique-rock d'envergure.
Et la déception n'en sera que plus cruelle.
Cette symphonie est tout simplement ratée. Aucune structure ne se dégage de cet empilement disparate de sonorités spatio-introspectives. Les nappes de piano quelconques succèdent aux notes de guitare insipides. S'il y a bien quelques passages qui accrochent ce n'est jamais pour longtemps et ils s'évanouissent aussitôt dans ce qui ressemble à un bruit cosmique. Là encore Muse à voulu voir gros et fort mais n'a pas réussi à faire les bons choix. Le groupe avoue volontiers n'avoir jamais autant passé de temps sur la production d'un disque et ça s'entend : le disque est sur-produit. Il y a des milliers de petits arrangements rigolo partout mais le travail musical de base (mélodie/paroles/structure/etc..) sonne lui incroyablement creux, aléatoire, désincarné. Le trop est définitivement l'ennemi du bien.
"Resistance" est définitivement l'album de la rupture. Une rupture pour Muse qui abandonne vraiment ses racines rock pour un son new wave, malheureusement, mal maîtrisé. Une rupture aussi pour le public, si de nouvelles recrues ont indéniablement été amenée avec cette nouvelle orientation il y a fort à parier que de nombreux vétérans resteront sur le bord de la route. Les derniers concerts du groupe sont d'ailleurs assez emblématique du schisme provoqué par "resistance" avec des jeunes filles hurlant en entendant "Uprising" ou "Undisclosed Desire" mais restant parfaitement stoïques sur les riffs endiablés de "Plug In baby" ou "Bliss".
A force de mélanger les influences sans jamais les digérer vraiment Muse s'est perdu en chemin.
Avec ce cinquième album le groupe a confirmé qu'il savait parfaitement vendre des singles à la pelle avec une efficacité désormais bien trop mécanique pour être honnête. Lorsque l'on passe plus de temps sur ses arrangements que sur ses mélodies ou ses textes ce n'est jamais très bon signe. Le groupe à toujours réussi à être sur le fil du rasoir, jouant des excès pour délivrer de l'émotion brute. Désormais la formation ne semble plus que la caricature d'elle même tentant de noyer le peu d'inspiration qu'il leur reste sous une tonne de bidouillages et d'approximations grotesques. Sous les arrangements fashion : le vide, le trio se contente désormais de servir la soupe pour la bande FM.
A présent en haut des charts internationaux avec cet album Muse est en pilotage automatique, difficile de savoir où ils iront après mais, si "The Resistance" est un présage du futur, cet avenir n'est guère réjouissant.