L'énorme intérêt de ce coffret rassemblant l'intégralité des show mythiques de Zappa et des Mothers au Roxy en décembre 73, n'est pas en soit la globalité des performances qui, même pour les fans les plus hardcores du compositeur fou, sonneront toujours un peu à l'identique. Libre à chacun en effet de s'infliger Dupree's Paradise, Be-Bop Tangos et ses variations free ou Penguin in Bondage en long, large et en travers. Le plus intéressant réside dans cette impression d'y être, ou plutôt d'avoir la sensation d'avoir participé directement à l'un des nombreux happenings des Mothers qui ont fait leur réputation auprès d'un cercle de freaks dans tous les coins des US avant de finir par conquérir d'autres continents.
Les Roxy Performances ont le bon goût de ne rien omettre.
Des séances de répétitions au tuning des instruments, entre trois bavardages et suggestions de Zappa envers ses musiciens (lequel les place au même niveau d'importance), jusqu'aux prémices créatifs de la face A d'Apostrophe(') enregistrée au studio Bolic Sound, le sixième disque n'oublie rien, pas même les exclamations de Zappa demandant à un gars alentours de lui rapprocher ses clopes; faut pas déconner quand même.
Le gros morceau c'est cet ensemble, cette pRoxymité avec Zappa le forcené, le maître à penser, le réalisateur, celui qui répète inlassablement le même morceau jusqu'à trouver le ton juste quitte à se gourer lui-même "Hey that was good but I forget the words!", c'est le backstage, le processus de création et de découpe / collage qui suivra Zappa jusqu'à ce qu'il passe l'arme à gauche.
Si les Live de Zappa sont si essentiels à sa discographie, dont une belle partie reste planquée dans son Vault, c'est parce qu'ils sont le témoignage de son inaltérable besoin de créer, couper, démonter puis construire. Sheik Yerbouti et Joe's Garage seront les grands instigateurs de l'art d'investir les couloirs du passé pour concevoir le présent et le futur d'une discographie considérable et unique qui n'en finit pas de nous épater. Le théâtre farfelu qu'est le Roxy, lieu de débauche scénique et d'improvisations bruitistes, insuffle son aura culte à travers ces sept disques qui trouvent dans leur répétition une sorte d'état de grâce final proche de l'épuisement, exposant aux yeux et oreilles du monde cette formation éphémère de Zappa sous un jour brillant et inspiré, aux frontières de la comédie, du jazz et de la soul rock.