Brian Wilson est à moitié sourd.

Je n'apprends rien à personne, tout le monde (ou du moins les personnes s'intéressant au groupe) a connaissance de ce fait, que le leader des Beach Boys n'entends plus qu'a droite (ou a gauche je sais plus), suite à une légère collision de sa tête avec un mur, tout ça grâce à l'aide de son paternel, dont la ceinture passait plus de temps dans sa main qu'autour de son pantalon.
Cette phrase est affreusement longue.

Tout ça pour dire que cet homme est un génie. Peut-être l'un des plus grands compositeurs contemporains, c'est quand même le mec qui a influencé les Beatles, et qui a écrit les bases de la musique pop. Vous en conviendrez, ça fait quand même son effet sur un CV.
Alors non content d'avoir amené les Beach Boys au sommet de la musique pop au milieu des années 60 avec le chef d'oeuvre qu'est Pet Sounds, le monsieur décide, à la fin de l'année 1966, d'écrire et de produire le plus grand chef d'œuvre de la pop music, j'ai nommé Smile. Malheureusement, les ennuis vont s'entasser, entre les tensions dans le groupe, les problèmes techniques, de budgets, de délais et bien sûr la folie mentale de Wilson, toxicomane perfectionniste jusqu'au bout des poils, qui sombre dans une folie furieuse au fur et à mesure de l'avancée de ses travaux. Au final, le projet est abandonné et le doux rêve d'entendre tout le génie fou de Wilson avec.

MAIS ! Voici venir The Smile Sessions, qui, dans sa version complète de 4 (ou 5 ?) CD, retranscrit la majeure partie des prises du groupe dans leur tentative de coucher la précieuse galette. Et bordel, on est quand même pas passé loin du chef d'oeuvre intergalactique. Car ce qui se présente aux oreilles est tout bonnement proche du fantastique. Brian Wilson y a mis tout son coeur, il s'est jeté corps et (surtout) âme dans ce projet fou, jusqu'à y perdre la raison. Et quand on entend les premières notes très courtes qui ouvrent l'album (Our Prayer, Gee), on sait d'emblée, que Wilson avait prévu de nous embarquer au 7e ciel de la pop musique.

Se succèdent des morceaux qui interpellent (You're Welcome, Barnyard, qui ne demande qu'à prolonger la durée de la piste voix), des explorations musicales (My Only Sunshine ou I wanna Be Around) ou des purs moments de génie (Heroes and Villains, Wonderful, Surf's Up, sans oublier Good Vibrations). Cet album devait être intemporel, de ceux qu'il aurait fallu conserver et défendre contre le prochain Hitler, quitte à y donner sa vie. Mais même pour le génie Monophonique de Wilson, c'était un projet d'une trop grande envergure. Pourtant plus les morceaux se succèdent, plus on se rend compte de la frustration qui émane de cet album. Cet album est un voyage, une invitation à entrer dans la tête de Wilson. Mais par la porte de derrière, la petite. La porte d'entrée restera à jamais verrouillée.

La Monophonie tient une grande place dans la musique des Beach Boys, ce qui est une logique implacable quand on connait la condition du leader, mais pourtant, cet album regorge d'explorations stéréophonique, d'une qualité incroyable. La relecture stéréo de Heroes and Villains est un bijou, et donne un aspect nouveau au morceau contrastant énormément avec la version mono. Du génie. Wilson ne peut pas percevoir la stéréo ! Et il se permet des morceaux aussi travaillés que celui là ? Peut-être que les voix qui parcourt son esprit ont joué. Ou peut-être est-ce tout simplement le plus grand génie musical du XXe siècle.

The Smile Sessions est le prototype de ce qui aurait pu (dû ?) être le plus grand album jamais produit. Smile devait révolutionner la pop music, et si aujourd'hui on s'extasie (à juste titre) devant le Sgt Pepper des Beatles, c'est grâce à Brian Wilson et aux Beach Boys. Il n'y a pas de réel mot pour décrire ce qui émane des enceintes lorsque la galette tourne. Il faut juste écouter, se laisser porter et rêver. Goûter au rêve fou, d'un homme au milliers de petites voix dans sa tête, mais aux milliards d'idées musicales à la seconde.
Dire que ce mec est à moitié sourd. Quel autre mot que génie peut venir en tête ?