Pour moi nous avons ici le plus grand témoignage de l’art de l’immense pianiste que fut Samuel Feinberg, mais surtout nous avons la plus grande version du Clavier Bien-Tempéré de l’histoire du disque. Tout y est : la lisibilité des lignes, la clarté des voix qui se répondent, la sonorité à la fois tendre et mordante quand il le faut, les couleurs, et une magnifique cohérence qui rend compte de l’enchaînement des Préludes et des Fugues.
Aucun choix n’est gratuit, et en plus du sens de chaque petite œuvre c’est surtout une totalité, une somme qui prend vie et s’enchaîne comme une seule et même œuvre. Feinberg est magnifiquement doux et sensible dans les Préludes, et suffisamment incisif et par-dessus tout clair dans les Fugues. L’interprète parvient même à donner un sens à certains P&F par l’enchaînement global.
L’enchaînement BWV.883-885 m’apparaît comme le sommet de l’enregistrement, avec un 14e P&F d’une délicatesse inouïe, un 15e à la fois recueillit et plein de rebond - en principe, on doit choisir - et un 16e d’une puissance émotive et d’une intensité inouïe. C’est une interprétation spirituelle, métaphysique et un sens idéale - au sens d’une vision idéaliste - que nous livre Feinberg, un disque qui reste, assurément, pour l’éternité !