Quand on revient après dix ans d'absence médiatique, on a plutôt intérêt à ne pas se planter. Surtout quand on a quitté la scène en plein succès. Tout le monde le sait, et d'ailleurs certains le savent si bien que l'appréhension l'emporte sur la volonté de revenir, repoussant encore et encore un come-back fracassant. Qui pourtant tomberait à pic étant donné les événements politico-sportifs d'actualité. Ça y est ? Vous avez pigé ? Bon, trêve de digressions, le nouveau Portishead est là, et moi aussi, prêt à en découdre avec un album auquel je ne pardonnerai que l'excellence. D'emblée, c'est un titre relativement up-tempo, assez dépouillé et sombre, à l'opposé des autres disques du groupe, le chant mis à part, qui déboule sur la platine. Et là, on a beau être préparé, on accuse le coup. A quoi s'attendait-on ? A une redite, une compilation ? C'est pourtant bien mal connaître Geoff Barrow et Adrian Utley, qui auraient mis bien moins de trois ans à accoucher d'une telle oeuvre, plutôt que de ce « Third » étrange et décharné. Comme si le groupe avait cherché à méticuleusement effacer tout ou presque des traces de son passé, à se forger une nouvelle identité. Et là, on est pas loin de la vérité. Portishead a muté. Ses morceaux sont toujours aussi riches et évocateurs, mais pas de la même façon. Fini les mélodies cotonneuses et le désespoir tranquille (la résignation ?), la formation tape dans l'abrasif, l'agressif, le corrosif. Corrosif, c'est le mot. Le groupe joue avec nos nerfs, produit des sons qui heurtent nos tympans en même temps que nos certitudes, mais au final nous fait adopter son nouvel art plus vite qu'on ne l'aurait cru. Retour réussi, mais qui demande un certain investissement de la part de l'auditeur...