Triste à pleurer, beau à en crever
Par Thomas Blondeau
Portishead, c'est un peu la vase qui stagne au fond de nos âmes, le désenchantement translucide, le brouillon des jours meilleurs, la maquette et la matrice des dissensions internes. Le vent et la poussière. L'attente. C'est en substance ce qu'insinuent Adrian Utley et Geoff Barrow, respectivement guitariste-multi-producteur et équaliseur vivant, éclairés à la lanterne dans l'ombre d'un salon parisien : « Portishead, c'est la grande musique mais sans les violons. Une musique riche en émotions mais qui ne te dit pas tout de suite qu'elle est émotionnelle. C'était ça le gros travail sur ce disque, parce que c'est précisément ça qu'on avait perdu, qu'on a recherché durant ces dix dernières années », pose Geoff. A ses côtés, le gros guitariste avec sa tête en forme de fût de bière appuie : « Portishead emprunte des lignes mélodiques un peu brisées, ce n'est pas tout de suite les grandes eaux, les grandes descentes de cordes. Ca passe par des trucs qui grincent, pas forcément facile d'accès ». Effectivement, Third, accouché dans la douleur après dix années d'une remise en cause sévère et sincère de la part de ses trois membres est un disque à la fois doux et rêche, une balance constante entre le feulement fabuleux de Beth Gibbons et la méchante machinerie industrieuse que martèlent derrière elle Adrian Utley et Geoff Barrow. On dirait un vieux rock au son trashy, un disque rayé, un Velvet joué sur un ampli mal réglé. Une eau calme mais dégueulasse, sans mouvements apparents mais grouillante d'une vie infectée. Mais soudain il fait beau, et ce n'est pas normal. (...)
Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/musique/portishead-third/