Nevermore en pleine possession de ses moyens pour une oeuvre remarquable

Il y a quelques mois, le remix du précédent opus de NEVERMORE sortait. A cause d’un budget alloué par le label Century Media point suffisant et une fin de contrat, "Enemies Of Reality" avait été initialement mixé par Kelly Gray. Depuis le combo de Seattle a renégocié fermement un nouveau contrat avec le label et la question du budget et des moyens a été logiquement revue à la hausse. Non satisfait du son, le groupe en a alors profité pour ressortir son cinquième album mixé cette fois par le grand Andy Sneap.

Qui reprend logiquement du service sur leur nouvelle livraison. Cette collaboration n’est pas le fruit du hasard. On peut affirmer sans hésiter que la production du monsieur rend pleinement hommage aux 11 nouvelles compos. Le son est d’une limpidité à toute épreuve et les arrangements minutieux.

Autre bonne nouvelle : la malédiction du poste de second guitariste est semble-t-elle de l’histoire ancienne. L’ex DRAGONLORD/TESTAMENT Steve Smyth est devenu un membre officiel après avoir débuté sur plusieurs dates de festivals l’été dernier. Hormis le fait d’être un ami de Jeff Loomis depuis de nombreuses années, sa participation est allée plus loin car Steve a collaboré à l’écriture de quelques morceaux.

En quelque sorte, NEVERMORE sort regonflé d’un nouveau contrat à la hauteur de ses exigences et a trouvé son cinquième élément pour s’offrir ainsi la stabilité.

Dés lors, malgré que plusieurs écoutes soient nécessaires, "This Godless Endeavor" peut-être considéré sans mal comme l’album de la maturité. Le côté mélodique de "Dead Heart In A Dead World" relativement absent sur "Enemies Of Reality" revient, le côté sombre de "Dreaming Neon Black" et la violence de "The Politics Of Ecstasy" toujours présents. Un palier dans la technicité en plus.

NEVERMORE pratique un Metal racé qui mélange avec dextérité et une finesse peu commune le Thrash, le Heavy Dark, le Progressif. La moëlle épinière de chansons est à la fois massive, agressive, mélodieuse. Cette recette miracle se personnalise d’autant plus grâce à la diversité des tempos, des atmosphères particulières, possédées et de refrains « catchy ».

Les prestations de chacun des musiciens en sont évidemment la cause. Van Williams à la batterie ne baisse jamais le régime. Jeff Loomis avec sa guitare à sept cordes accentuant le côté grave des sonorités, est génialement inspiré. Il est aussi bien capable de sortir des riffs plombés « thrashisants » remarquables que de nombreux solos dégoulinants d’une admirable virtuosité. Et que dire de Warrel Dane ? Non satisfait d’être en progression constante, il est capable de moduler son organe de manière posée, claire puis tour à tour écorchée, agressive ou lyrique. Il s’offre alors le luxe de donner vie à des lignes vocales originales et sans égales. Pour seul exemple très maigre, peut-on se permettre de comparer sa voix à certains moments à celle de Goeff Tate (QUEENSRYCHE).

Pour parler de la structure des titres, ces derniers de divisent entre ceux plus heavy-thrash, ceux mid-tempo, ceux alternant les deux et la ballade incontournable.

Pour la première catégorie, l’album débute par le fabuleux "Born" avec sa grosse rythmique mais surtout son refrain mélodique mémorable dans tous les sens du terme. Mais il y a aussi les excellents "My Acid Words", "Bittersweet Feast", "The Psalm Of Lydia" (guitare flamenco et solos particulièrement jouissifs à la MEGADETH) ou encore la plus conventionnelle "Medicated Nation". Le single "Final Product" est plus mid-tempo tout comme la prenante "Sell My Heart For Stones".

Les deux dernières compos, avec introductions acoustiques, varient les styles. Une mention toute particulière est portée au titre éponyme, qui clôt de manière épique l’album et qui rassemble tous les ingrédients de la musique développée par le groupe. Un départ où le mal-être de Warrel transparaît, suivi d’un passage où le timbre de voix rappelle du David Bowie, pour que petit à petit la machine se mette en marche et explose dans une spirale thrash remarquable où un solo néoclassique est le bienvenu. Un futur classique rien de moins.

Quant à la ballade "Sentient 6", celle-ci démarre avec du piano et un chant d’une sensibilité à fleur de peau magique, un solo aérien, puis un gros riff et un chœur religieux sur le final. Elle rappelle d’ailleurs dans son élaboration la superbe "The Heart Collector" présente sur "Dead Heart In A Dead World". Un répétition dont on ne se lasse pas car l’exercice est toujours hautement réussi.

La pochette de "This Godness Endeavor" n’est peut-être pas d’une grande originalité (la fille au premier plan n’est autre que la gamine de l’illustrateur Hugh Syme qui a aussi fait l'artwork des albums de MEGADETH, DREAM THEATER, RUSH) mais a le mérite de représenter l’univers pessimiste du combo. Et pour cause, les textes traitent de notre misérable condition humaine et de nos dérives à travers la religion notamment. Car le secret paradoxal est bien là : grâce à la musique de NEVERMORE, on évacue un stress personnel palpable à chaque instant.

Il y a dix ans, sortait le premier album sobrement intitulé du nom du combo. Ce dernier était alors en première partie de DEATH qui tournait donc pour l’album "Symbolic". A croire que le regretté Chuck Schuldiner a poussé NEVERMORE vers des horizons majestueux. A croire aussi que le 6 est décidément un chiffre porte-bonheur. Le succès n’est peut-être pas encore à son paroxysme mais la réussite artistique est exemplaire. Et c’est bien là l’essentiel. Reste une prise de risque supplémentaire pour faire mieux le prochain coup.

Renaud-Strato
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le 13 oct. 2022

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