Une décontraction ambiguë.
Voilà de quoi est fait le dernier LP de Mac DeMarco, “This Old Dog”, sorti sur le label Captured Tracks en mai 2017. On retrouve la patte du branleur canadien, la voix grave et suave, entre la plénitude et la plaisanterie, les lignes de basse simples mais terriblement efficaces, le jeu de guitare léché et légèrement (ou très lourdement) désaccordé.
Cependant, Mac DeMarco semble moins sautillant que dans ses disques précédents. Le groove est désabusé, comme s’il avait pris un sale coup de vieux, de celui où l’on se regarde dans les poches sous les yeux et l’on fait le bilan des excès passés. Comme si ses déboires avec la clope (« Ode to Viceroy » sur « 2 »), et ses concerts débraillés sur les scènes des plus gros festivals du monde commençaient à peser : « There’s a price tag hanging off of having all that fun » (« My Old Man »). Quelques belles ballades psychédéliques (« For The First Time », et les trois derniers morceaux du disque), qui rappelleraient « Chamber of Reflection » chanté par un Michael Franks neurasthénique, constituent la face mélancolique du disque. Des synthés capiteux accompagnent la crise existentielle du Canadien : la recherche de la fierté paternelle sur « On The Level », le bilan de ses regrets sur « Dreams For Yesterday » ou encore la lassitude des amours manquées sur « One More Love Song » : « Another try, another go / Never thought you’d feel this low / Another dream put to bed / After all this time, it turns all you had ».
On aurait pu finir par s’ennuyer en écoutant ce disque, croit-on, de la maturité. Il n’en est rien : au détour des morceaux se glissent les meilleures facéties musicales de Mac DeMarco, comme ces clochettes de Père Noël à la fin de « One Another » ou l’harmonica sur « A Wolf Who Wears Sheep Clothes », où il pousse la parodie (?) de la maturité jusqu’à évoquer les métaphores de Bob Dylan, dans une sorte de fable country. Quelques réminiscences de la folie des albums passés, comme « For The First Time » et « Baby You’re Out », nous rassurent sur sa capacité encore géniale à écrire des riffs accrocheurs.
Sans toutefois retourner à son image d’antan, de branleur solaire, de clown, faisant de l’ombre à la qualité de ses compositions, Mac DeMarco réussit à exprimer toute l’étendue de son talent dans la richesse des textures et des formats. S’appropriant l’introspection et le doute existentiel sans que jamais l’auditeur ne sache s’il est sérieux ou s’il parodie, « This Old Dog » est une parfaite mise en abîme de son sens légendaire du cool.