Faire du dernier One Step Closer une chronique à part entière plutôt que de l'inclure dans le dernier "Raton et la bagarre" n'a rien d'innocent, c'est même d'une évidence absolue.
Parler de One Step Closer en des termes musicaux et éviter le déferlement d'adjectifs subjectifs est en revanche bien plus complexe. Car OSC était très probablement le groupe sur lequel je plaçais le plus d'espoir pour leur premier album.
Si vous fréquentez la scène hardcore, même de façon lointaine, vous savez probablement que les fans se comportent souvent comme des parieurs. Le jeu est de trouver la démo prometteuse au milieu d'une production foisonnante et redondante, pour annoncer avant tout le monde le groupe de demain. C'est l'activité à laquelle se livrent de nombreux labels de taille moyenne, de Triple B à Closed Casket ou Run for Cover. Et si on avait du réunir les fiches de pari de tout le monde, on se serait probablement rendu compte que One Step Closer figurait sur une majorité d'entre elles.
Il faut avouer que la recette du groupe est imparable : prendre les racines "emotive hardcore" de Moss Icon en les combinant au hardcore côte Est avec des riffs mélodiques à deux guitares à la Have Heart. La rencontre de l'emocore et du hardcore intense et puissant les inscrit évidemment dans l'héritage direct de Turning Point au sujet desquels ils ne cachent pas leur adoration (l'EP promo 2020 comprenait une reprise de "Broken").
Mais surtout, plus que tout le reste, la force de OSC est de sortir aussi spontanément des riffs, des ponts, des refrains à pleurer. Et je ne dis pas ça comme une métaphore distante, je ne compte vraiment plus les plans sur cet album qui me donnent des frissons ou qui font bouillonner un torrent d'émotions en moi : l'intro volcanique de "Chrysanthemum", l'outro en voix claire de "Pringle Street", l'intégralité du bouleversant "Lead to Gray", réenregistré pour l'occasion...
À côté de ça, même les passages vigoureux qui font lever un poing en l'air donnent envie de vider le frigo de toutes les bières (le groupe est fermement straight edge) et de chialer à chaudes larmes en mettant des high kicks, comme c'est le cas sur le mid-tempo au début de "As the City Sleeps".
Pour la première fois, le groupe s'essaye même à un morceau apaisé avec "Hereafter" marqué par son chant clair emo et son piano sur la dernière minute. Et sans surprise, comme le groupe sait admirablement composer des tubes aussi agressifs que sensibles, cet interlude est un espace de poésie pure.
Grâce à cette aisance de composition, cette grâce dans la variété des mélodies et des riffs et cette constante ambivalence émotionnelle, l'album a un potentiel de réécoute complètement dingue et arbore de nouvelles couleurs à chaque contexte d'écoute. Il pourra vous donner du courage autant qu'il pourra vous accompagner dans votre peine ou faire résonner la plus pure nostalgie en vous. Si vous commencez à vous pencher sur les paroles, rédigées dans la plus pure tradition hardcore émotif, "This Place You Know" gagnera encore en longévité. Il évoque la difficulté du départ, la solitude, l'introspection et la peur du dehors. Autant de thématiques liées à l'anxiété et au doute, livrées frontalement, presque de façon impudique mais avec tellement de grandeur et de courage qu'il est compliqué de ne pas s'y voir entre les lignes.
Pour moi, "This Place You Know" est plus qu'un bon album et même davantage qu'un album marquant de l'année. C'est un album jalon, de ceux qui parviennent à trouver ce fin équilibre, éphémère et suspendu dans l'espace et le temps. C'est un album qui se hisse au niveau des monuments de ses inspirations, d'un "Songs to Scream at the Sun" ou d'un "Witness" par la force sans compromission qu'il dégage. Alors, je ne peux que vous inviter à prendre vos écouteurs et à descendre Pringle Street avec One Step Closer.