En 1997, Marillion se trouve à un nouveau tournant de sa carrière. Ils ont sorti « Brave », excellent, en 1994 puis « Afraid of Sunlight », moins réussi en 1995. Le problème est que leur succès commercial se réduit (Marillion n’a jamais été une « machine à singles »). Ils quittent donc EMI pour s’autoproduire désormais. C’est courageux mais le groupe bénéficie heureusement d’une base de fans fidèles qui s’étend au monde entier et ils ont été des précurseurs dans l’utilisation d’Internet pour rester en contact avec eux. Aujourd’hui encore, ils demandent à leurs fans de précommander le futur album pour pouvoir le financer…et ça fonctionne. Dans le livret de leur dernier « One Hour Before It’s Dark », ils ont même fait apparaître les noms de tous ceux et toutes celles qui l’avaient précommandé pour les remercier ! Eh oui, chez Marillion, on est comme ça et ce lien entre les artistes et leur public est très fort. « This Strange Engine » est donc leur 1er album autoproduit et l’exercice périlleux est réussi haut la main puisque Marillion signe tout simplement là son meilleur album des années 90 (avec « Brave »).
Cet album commence formidablement avec « Man of Thousand Faces », entrée en matière très efficace et aujourd’hui encore, un morceau qui donne toute sa dimension en concert. C’est à la guitare acoustique qu’il démarre, assez rare dans la discographie de Marillion. C’est un excellent morceau, 7mn 30 de montagnes russes entre calme et furie. Là, on se dit qu’on tient du lourd, aucun doute. Pourtant, le morceau ne s’est classé que 98e dans les charts britanniques, sans doute trop long pour les radios formatées…Marillion s’éloignait de plus en plus du succès grand public qu’il avait pu connaître dans les années 80 et qu’ils avaient cherché à retrouver avec « Holidays in Eden » (et après tout, ça n’est pas bien grave si c’est le prix de la liberté). La suite ne déçoit pas sauf « Hope for the Future » et ses ambiances exotiques étranges car inattendues, qui brisent le rythme général de cet album, cet album. On est dans du pop rock de très haut niveau plus que le rock progressif des débuts. Le groupe a bien évolué et heureusement avec Steve Hogarth, avec « One Fine Day », « 80 Days » (et ses trompettes au synthé qui ont certes mal vieilli mais rappellent furieusement les Beatles).
« Memory of Water » est un autre bijou avec la voix d’Hogarth juste accompagnée d’un violoncelle. "Estonia", elle, vient du nom d’un ferry ayant sombré dans la mer Baltique quelques années auparavant. Une catastrophe qui a marqué beaucoup Steve Hogarth et lui a inspiré le texte de cette chanson de 8 minutes. Le refrain accompagné de quelques notes de balalaïka est tout simplement superbe. Une ode à la mer, à l’instar de "Out of this World" sur l’album précédent, et de "Ocean Cloud" plus tard sur « Marbles », poétique est émouvante. L’album se clôt sur la pièce maîtresse de cette œuvre et là, on retrouve le Marillion progressif durant plus de 15 mn, les musiciens ajoutant même un solo de saxophone au titre : On se dit que l’influence de Pink Floyd avec Dick Parry n’est pas si loin ! Un grand moment. Une production moderne et épurée, des musiciens qui maîtrisent leur sujet à la perfection, à commencer par Hogarth qui a vite trouvé sa place dans la formation, un très bon album qui frôle presque l’excellence. Malgré tout, il a été un échec commercial mais peu importe, les fans suivent envers et contre tout ce groupe exceptionnel qui en 2025 va venir jouer pour la 1ère fois lors d’un Marillion Week-End à Paris, 2 soirs de suite avec des setlists surprises !!! On a hâte !