Japan.
Groupe mythique de la toute fin des années 1970 et tout début des 80's pour avoir fondé l'esthétique Nouveau Romantique. Mais contrairement à des Durands Durands ou autres Flock of Seagulls, ils en sont les dignes représentants et innovateurs. A mon sens, la discographie de Japan ne sert que de tremplin à la carrière solo du leader, David Sylvian. Sauf pour un album. Tin Drum, c'est l'album de la maturité pour Japan. Après un Quiet Life plus new wave que nature et un Gentlemen Take Polaroids un peu lourd, Japan fait péter la basse fretless et les sons synthétiques très froids. Il faut d'abord noter le départ du guitariste Rob Dean, ce qui pousse Sylvian à privilégier le synthé et jouer le peu de guitare sur le disque. La rencontre entre Sylvian et Ryuichi Sakamoto n'y est pas pour rien no plus. Sakamoto, vient de contribuer à créer deux disques majeurs pour le Yellow Magic Orchestra mais aussi de continuer sa carrière solo avec l'expérimental B2 Unit. Sylvian et Richard Barbieri (clavier du groupe) s'intéressent donc de très près aux manipulations de synthés, quitte à en tirer des sons froids, similaires à ceux de Sakamoto pour YMO. Incorporés dans l'album aux côtés des rythmes aléatoires de Steve Jansen à la batterie et à la mythique basse fretless du feu Mick Karn, Tin Drum se veut comme la rencontre parfaite entre orient et occident.
L'album démarre à toute berzingue sur le funk blanc de "The Art Of Parties". Dés le premier titre (et single) de l'album, on est déjà à des kilomètres d'un Gentlemen. La musique est ultra construite et structurée. Les synthés prédominent et la rythmique se fait sentir. Ce premier morceau caractérisera l'ensemble de l'album. "Talking Drum" reprends les même caractéristiques, en moins funky et m'évoque ici un autre artiste, le cher Gary Numan et son Dance (on y note l'appui de Mick Karn à la basse fretless), qui annoncera d'un mois le son de Tin Drum.
"Ghosts", autre single de l'album est une ballade synthétique et sans rythme. Les synthés et les percussions sont froids au possible, l'ambiance est brumeuse. C'est cette même ambiance qui fera de Japan le n°1 des charts anglais en mars 1982.
Avec "Canton", on a droit à un nouvel hymne national de la Chine. Claviers orientaux ultra-puissants, mélodie évoquant les confins de l'Asie et riff de fretless à tomber par terre. Le morceau est instrumental mais époustouflant. il annonce le travail que Sylvian effectuera avec Sakamoto sur la bande son du film Furyo.
"Still Life In Mobile Homes" est un monument d'art rock. Rythmique décousue, phrases de synthé se répondant entre-elles et fretless pour raccorder le tout, sans oublier les samples de chant asiatique.
"Visions of China" renoue avec le funk blanc et consiste en un nouveau single. La structure du morceau est plus "classique" et choque moins.
"Sons of Pioneers" renoue avec le progressif/ambient. Sur une rythmique de toms et de percus, la basse fretless emmène l'auditeur, loin, très loin, jusque Hong Kong ou Tokyo.
"Cantonese Boy" ferme l'album sur un autre single, retrouvant une fois de plus une structure "classique", avec mélodie et rythmique pas trop compliquée.
Au final, Tin Drum est un album à la fois minimaliste, exotique et poly-rythmique. Le seul autre groupe qui soit allé aussi loin dans cette direction n'est autre que les Talking Heads avec leur Remain In Light. Cette débauche d'orientalisme formera sûrement le meilleur des cinq albums de Japan, et malheureusement, le dernier. Aussi bête que cela en à l'air, le groupe splittera après une grosse tournée courant 1982 à cause d'une simple querelle amoureuse entre Sylvian et Karn. Les deux hommes ne s'entendaient plus à propos de la copine de Karn qui est devenue celle de Sylvian... Allez comprendre.
Dans tous les cas, le groupe sort en 1983 l'album live Oil On Canvas (qui reprends la setlist de la tournée de 1982) avant de se séparer. Chaque membre ira faire fructifier son projet solo. Les membres se réuniront entre 1990 et 1991 pour sortir un nouvel album et donner quelques concerts, sous le nom de Rain Tree Crow.