Weyes Blood, une chanteuse issu d'une famille catholique qui a choisi son nom de scène en référence à un sombre roman blasphématoire (La sagesse dans le sang en français) pour s'excommunier en musique, ça à de quoi attiser la curiosité. Et puis, il y a la pochette de ce quatrième album, Titanic Rising, où on la voit léviter dans une chambre d'ados d'un Titanic qui a bien péri sous l'eau. Un puissant rayon de lumière vient éclairer la chanteuse. Sans même avoir écouter le disque, on a déjà là, la plus belle pochette de 2019.
Mais ce serait dommage de se priver de cette pop orchestral appelé chamber pop et qui rappellent les Beach Boys et George Harrison (All Things Must Pass). Dès les premières notes de piano de A Lot's Gonna Change, Weyes Blood nous embarque de sa voix grave dans son univers avec ce slow baroque mélancolique où l'artiste chante son désir de revenir à un temps où les choses étaient plus simples. Elle y fait écho aux regrets des Etats-Unis après l'élection de Donald Trump. Andromeda avec ses cordes et sa guitare dans le style soft-rock nous emmène en apesanteur. L'artiste y chante ses craintes de trouver l'amour dans un monde de distractions et de déceptions passées. Elle y utilise la boite à rythme LinnDrum, très utilisé dans les eighties (Take on Me de A-ha, Shout de Tears for Fears, Lucky Star de Madonna). Sur l'entêtant Everyday, elle chante son désir d'amour, en même temps que les difficultés des rencontres en lignes sur un tandem piano-batterie des plus percutant (Le clip, vintage, inspiré par les films d'horreur des seventies est à voir absolument). Something to Believe est marqué par la détresse d'une femme qui touche le fond (« I just lay down and cry, The waters don't really go by me ») mais croit pouvoir se relever avec une lueur d'espoir sur le refrain appuyé par des guitares psychédéliques. Le morceau-titre, calme et planant, marque la transition. Après la déchéance, vient l'heure de se relever. Sur Movies, la chanteuse se rappelle d'une histoire d'amour avec la volonté de tourner la page et de vivre ses rêves comme dans les films (« I wanna be in my own movie »). Les sons d'arpèges analogiques sont ici à contre courant du style seventies des titres précédents. Sur le lancinant Mirror Forever, elle évoque un amour forcé. Mais elle revient à une réalité plus lumineuse sur Wild Time, qui, comme un signe, marque le retour de l'album à un style soft-rock 70's. Alors qu'elle n'y croyait plus, elle insuffle la douceur et l'espoir pour un bel avenir. C'est une femme apaisée et sereine que l'on trouve alors sur Picture Me Better où elle écrit des mots simples sans jamais tomber dans la niaiserie pour autant.
Une fois l'album écouté, la pochette de celui-ci prend tout son sens. Le Titanic qui touche le fond est une métaphore de l'Amérique de Trump à lui-seul. La lumière est l'espoir évoqué sur Movies, elle se reflète dans un miroir qui rappelle le titre suivant, Mirror Forever. L'ourson en peluche sur le lit fait écho aux temps plus simples (l'enfance) évoqué sur A Lot's Gonna Change et l'ordinateur est le symbole des réseaux sociaux évoqué dans Everyday. Titanic Rising est un album mélancolique et à la fois plein d'espoirs. Il devient de plus en plus agréable au fil des écoutes où se révèle de nouvelles trouvailles à chacune d'entres elles. On tient là un album incontournable et qui marque bien les esprits.