"Titanic Rising" est un mystère pour moi, qu'une bonne quinzaine d'écoutes en quatre mois n'ont pas réussi à lever. C'est un album que la grande majorité de mes contemporains semble adorer, et qui ne m'évoque guère que flou et confusion, qui plus est un flou et une confusion inféconds, comme si Weyes Blood avait systématiquement échoué à matérialiser, chanson après chanson, les musiques et les concepts qu'elle avait en tête.
Oui, "Titanic Rising", au titre aspirationnel et mensonger, est bien un naufrage répété, et pas du tout un retour à la surface ou à la lumière. Il fascine, parce qu'il est en quelque sorte l'antithèse absolue de la clarté, de la lisibilité, de l'ultra-simplicité digitales qui prévalent dans notre réalité contrôlée, où tout est 'message', où tout doit faire sens. Il célèbre le laisser-aller, l'acceptation de l'échec - sentimental, émotionnel, mais esthétique aussi - dans un monde qui nous vend la séduction et le succès.
Ses mélodies informes, qui m'échappent toujours après tant de mois, que ma mémoire ne peut conserver tant elles manquent de vigueur et de lumière, me surprennent toujours à chaque nouvelle écoute. Son ambition "symphonique" se ridiculise dans des gargouillis électroniques faciles, régulièrement très laids, qui trivialisent brillamment un album qui pourrait facilement être taxé d'arrogance.
La voix de Natalie Mering, sublime, sombre souvent dans la répétition de clichés sans âme, irritants même : pourtant, elle sait régulièrement, au détour d'une phrase, se faire transcendance.
Bref, je n'en sors pas, ce disque qui vient toujours à bout de ma patience, qui me semble aussi lugubre et boueux qu'un naufrage glacial se répétant sans fin, continue à exercer une singulière attraction sur moi.
J'ai vu la belle Natalie, avec son costume blanc impeccable et ses oreilles décollées soigneusement dissimulées derrière sa chevelure, sur scène, et je n'ai pas mieux saisi le sens de sa musique. Voila donc un mystère que je ne percerai pas. Tant pis ! Tant mieux...
[Critique écrite en 2019]