Bien plus encore que leur premier album, The Cranberries, pour moi, c'est, de manière immédiate, ce To the Faithful Departed, un Compact Disc qui a bercé mes seize ans et mon adolescence toute entière. Un album que j'écoutais en boucle, qui m'offrait un univers, qui me touchait, qui me parlait. Dans lequel je me reconnaissais et qui semblait me proposer quelque chose de rassurant et de doux. Parfois mélancolique. Alors que beaucoup de mes potes, eux, ne juraient que par The Smashing Pumpkins et leur Mellon Collie and the Infinite Sadness, sorti quelques mois plus tôt...
Pour beaucoup, To the Faithful Departed, c'est avant tout les quatre premières pistes hissées au rang de classiques un brin commerciaux du groupe : Hollywood, Salvation, When You're Gone et Free to Decide. Tous habités et traversés de leurs rythmiques indémodables et la voix profonde de Dolores O'Riordan.
Je les aimais aussi, ces chansons. Et je les aime encore. Hollywood me semble toujours aussi crépusculaire. Salvation toujours aussi énergique.
Mais quand je me repasse l'album, quand cela ne va pas fort, comme ces temps-ci, ce ne sont pas ces premières pistes que j'écoute d'abord. Car pour moi, To the Faithful Departed, c'est tout d'abord écouter en boucle le tempo frénétique et survolté de I Just Shot John Lennon, qui passe comme un souffle.
C'est ensuite passer sur Will You Remember ?, morceau qui semble tout droit sorti d'une boîte à musique, ou qui servirait de support à une comptine. Agité d'une fausse légèreté et d'un côté désabusé, c'est la chanson qui ne cadre pas dans l'ensemble et qui se distingue ipso facto, tout en se traçant un chemin vers la mémoire de l'auditeur.
Enfin, c'est écouter Joe, plusieurs fois, puis Cordell, tous deux teintés d'une mélancolie qui fait que les yeux s'embuent peu à peu de larmes brûlantes. Et douces, quand on pense aux jours heureux, ou encore aux êtres chers qui se sont éloignés. C'est le sentiment d'avoir la gorge qui se noue quand tout cela revient en mémoire, avant que le coeur ne s'apaise et qu'un mince rayon de lumière ne vienne transpercer les nuages d'encre.
To the Faitful Departed, c'est aussi Forever Yellow Skies, électrique, où Dolores chante à pleins poumons, Electric Blue ou encore un Bosnia désespéré. C'est aussi le sentiment que les influences rock ont pris le pas sur l'intimisme déployé de No Need to Argue, aux accents plus ballade, mais qui joue un peu trop sur le même registre.
J'avais seize ans à cette époque. A chaque fois que j'écoute To the Faithful Departed, ma DeLorean atteint 88 miles à l'heure. Et je renoue avec ce qui agitait cette adolescence malaisée et maladroite, traversée des sentiments exacerbés que l'album reproduit et exalte.
Behind_the_Mask, nostalgique.