Le succès tient à peu de choses, parfois.
C'était il y a dix ans.
Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat de rire, et, comme pour signer le crime, une scène post générique où est teasé le concept d'initiative Avengers.
Et la machine se lance au format cinéma par un heureux accident. Avec le succès que l'on sait, au niveau purement mathématique du tiroir caisse rempli. Et les habituelles critiques du plaisir vil de la sous culture américaine, de l'industrie fast food, du grand méchant Mickey (poil au nez) et la bêtise d'aimer se faire enculer par la société de consommation.
Promis, j'arrête...
Dix années déjà que le Marvel Cinematic Universe prospère et se développe. De héros de premier plan en remise au goût du jour de certains outsiders ou has been. De mise sur une certaine nouvelle garde et sur des recettes éprouvées, parfois sans surprise.
Sauf que ça marche, n'en déplaise à une certaine orthodoxie que j'ai de plus en plus de mal à encaisser.
Dix ans convergeant vers cet Infinity War redouté, attendu, survendu.
D'autant plus qu'il était difficile de partir totalement confiant quand, en guise d'apéritif, nous était servi un Black Panther hypé sur la seule représentation d'une communauté, qui avait la mémoire courte puisque Blade était passé depuis belle lurette...
La salle était pleine. Heureusement que j'étais arrivé bien en avance histoire de pouvoir choisir où me placer.
Les lumières s'estompent. Le noir s'installe. Et le vaisseau asgardien de Thor Ragnarok se dessine, ravagé, jonché de cadavres. La présence fugitive devient tangible, palpable. Thanos est à l'oeuvre, assisté de son ordre noir. Et tandis que le drame n'attend que quelques minutes pour se déployer, on se demande ce que les frères Russo nous ont réservé pour la suite, alors que certains personnages sont déjà sur le carreau.
Je vais faire cesser le suspense sans trop spoiler : Avengers : Infinity War est un aboutissement de la saga super héroïque made in Marvel. Ce qui se fait de mieux. Qui laisse parfois incrédule pour peu que l'on fasse abstraction de certains ressorts propres aux comics.
La formule n'évolue pas beaucoup. L'humour est parfois un poil envahissant. Le traitement de Hulk est très maladroit. Mais à côté de cela, Infinity War est incroyablement efficace, ultra jouissif et la plupart du temps très bien maîtrisé tant dans sa narration que dans la gestion de ses personnages. Se dire qu'ils sont tous placés sur le même niveau serait mentir. Mais bon dieu, voilà certainement la meilleure traduction cinématographique d'un event Marvel, comme il en fleurit très régulièrement de nos jours. Lieux multiples de l'action, team up, vilain au meilleur de sa forme, Infinity War évolue au carrefour de tous ces ingrédients.
Alors que de nombreuses réserves pouvaient être formulées, Marvel les évite presque toutes. Thanos est tout d'abord ultra charismatique et s'impose presque instantanément, même si cela fait tout drôle de le voir assez souvent sans son casque, comme le méchant le plus réussi de l'Avengers Universe. Présence massive, caractère développé, le titan fou est la véritable colonne vertébrale d'un récit qui, finalement, se concentre sur sa recherche des joyaux de l'infini.
C'est aussi sa relation d'amour / haine avec sa fille Gamora qui le nourrit, tout en fournissant un carburant puissant à une intrigue qui dramatise de manière assez incroyable ses enjeux principaux ainsi que ceux étreignant certains super héros. Et on se surprend à penser que, mine de rien, ce n'était plus arrivé depuis le climax du premier Avengers. Tandis que, côté grand spectacle et divertissement immédiat, Captain America : Civil War semblait indépassable.
Et tandis que l'on constate que l'esprit des différentes franchises individuelles est sauvegardé avec un soin maniaque, que l'on pousse un ouf de soulagement concernant la traduction de l'Ordre Noir à l'écran ou encore que certains super héros que l'on n'attendait pas forcément sont mis en avant, on se retrouve pris par surprise par cette dernière heure électrique, qui se conclut sur une incroyable baston de mêlée, archi spectaculaire, couplée avec un royal rumble des plus réjouissants restituant à merveille la puissance des coups portés et l'étendue des pouvoirs de ses protagonistes.
On est surpris par les risques (mesurés, a priori) pris par les studios Marvel, envisageant la fin d'Infinity War
comme un véritable requiem qui, pour le spectateur peu habitué aux lectures comics, s'érigera en drame.
Et cela marche à fond, jusqu'à ce que l'aficionado,
lui, relativise le procédé, car il y a à l'évidence les moyens, avec ces six gemmes, de défaire ce qui a été fait, rappelant que chez Marvel, la mort n'est jamais qu'un état passager. Même si certaines d'entre elles, que l'on ne voyait pas forcément venir, prennent aux tripes et laisse celui qui a payé sa place sur le cul.
Si la conclusion d'Infinity War est assez culottée, voire désabusée quant à l'impuissance de ses icônes, ce sera cette seule culture comics et la connaissance de ses atavismes les plus récurrents qui pourront en diminuer quelque peu l'impact. Même si cela n'est que bien relatif, Avengers : Infinity War s'imposant comme une réussite assez foudroyante de la part d'une Marvel de plus en plus critiquée, de plus en plus montrée du doigt dans son nivellement par le bas du cinéma.
Du moment qu'ils continuent sur cette lancée, moi, ça me va.
Bouder son plaisir sur ce coup là serait fort regrettable.
Behind_the_Mask, fasciné par le concept de résurrection chez Marvel.