Tostaky
7.6
Tostaky

Album de Noir Désir (1992)

Piste 1: Here it Comes Slowly: Une attaque digne d'un bon morceau d'introduction d'album, un de ceux chanté en anglais, la langue universelle du Rock. Mais la vraie force de Noir Désir est d'avoir réussit à chanter le Rock en français sans être ridicule comme souvent, malheureusement, avec notre langue d'un maniement délicat. La voix lourde de Cantat s'associe à une rythmique pêchue, et musicalement, ce titre sauvage annonce la couleur d'un des albums les plus rock et abrasifs de la scène française. 7/10

Piste 2: Ici Paris: La batterie se réveille, le rythme se discipline un peu, Cantat se met au français,nous entrons doucement dans l'album. Les paroles sont loin d'être les plus géniales du groupe, mais la partie musicale assure bien dans un style martial et rentre dedans, notamment le court solo de guitare en fin de piste, saturé et fluide, se coupant net pour achever la chanson sur un arrêt brutal, dont la raison d'être et l transition avec la piste suivante, beaucoup plus douce. 6/10

Piste 3: Oublié: Ballade belle, sombre, voire nihiliste et agonisante, tranchant radicalement avec l'entame nerveuse de l'album. Chanson sur l'amour perdu, la rupture amère, malgré tout ce que peut dire le chanteur, "Elle" n'est pas oubliée, ni pardonnée, il ne pense qu'à elle sans oser se l'avouer ni vouloir regarder la vérité en face. Leur première rencontres, leurs moments d'intimités, il essais de tout oublier pour mieux faire le deuil de cette relation morte. Le rythme est très lent, tout comme la prononciation du chanteur, surtout lorsqu'il lâche dans un râle incontrôlé "j'aaaaaaai ouuuuuuublié", on pense que cet amoureux éconduit est au bord du gouffre, du suicide, que seule sa rage et sa haine lui permette de tenir debout, et encore, la fin du titre, abandonnée à une batterie en pleine décélération, pourrait laisser penser qu'il s'est effondré à la fin de son ultime diatribe. L'une des plus belles perles du groupes. 9/10

Piste 4: Alice, l'un des grand prénoms féminins de l'œuvre de Noir Dez'. Après la cassure rythmique d'Oublié, la guitare et le Rock reprennent leur droit, pour la description poétique de cette jeune femme mystique et magique ("Alice a le don de la métamorphose, elle peut se transformer, et rien ne s'y oppose..."), une sorte de déesse régnant sur le monde, qui semble émerveiller le chanteur par son aura, sa singularité, son inaccessibilité... La musique est contenue mais monte progressivement en régime, jusqu'à être stoppée et ramenée à sa place; car ici le texte passe avant les notes. 8/10

Piste 5 One Trip, One Noise, une petite ambiance de Western moderne flotte sur la mélodie de se morceaux, à coup de sonorités plus acoustiques aux reflets métalliques, de ce filet semblable au célèbre harmonica de Charles Bronson survolant la piste, des échos qui se font entendre au loin, même les gimmick de Cantat laissent parfois croire qu'il dresse un cheval sauvage. 6/10

Piste 6 Tostaky, la piste ayant donné son nom à l'album, et objectivement le moment fort, le cœur, le noyau du disque. Dès son écriture et sa composition, le groupe a du sentir qu'il tenait la un gros dossier, si ce n'est son chef d'oeuvre. L'intro à la guitare électrique déchire, rapidement suivi par une rythmique de batterie tout aussi bonne. Un ton répétitif se met alors en place pour laisser Cantat dérouler le début de ses paroles, avant que le refrain ne viennent apporter du souple et de l'ampleur. Un amour pour l'Amérique Latine émerge de cette piste mythique, partagée entre dureté rock et beauté de la ballade. L'accent espagnol va très bien à Cantat et apporte une touche d'exotisme à ce continent perdu. Si l'anglais est souvent approprié par les chanteurs français, il est dommage qu'en dehors de quelques exceptions comme la Mano Negra, l'espagnol, magnifique langue cousine, soit si souvent oublié. A la clef, l'un des vers les plus célèbres et emblématique du groupe: "Alors soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien !" 9/10

Piste 7, Marlène, moins connue, pourtant il s'agit là d'un de mes coups de cœur. Une nouvelle fois, la musique s'efface un peu, une rythmique militaire assez calme laisse la part belle aux paroles, qui racontent une véritable histoire. Une chanson sur la guerre, on pense surtout à celle des tranchées de 14/18, et sur une marraine, une femme bonne fée qui réconforte les hommes meurtris par le No Man's Land, les réconforte dans leur sommeil, ou dans leur mort ("Eux quand ils meurent ou s'endorment c'est dans le creux de tes bras qu'ils s'abandonnent et qu'ils brûlent
comme un clope entre tes doigts"). Marlène est une belle chanson pacifiste, qui se penche sur le cas des malheureux qui se font déchirer par le feu sur le champ de bataille. Marlène, c'est la femme en tant qu'espoir, la femme restée au foyer qui attend le retour de son homme, ou au contraire l'inconnue qui offre un peu de bon temps aux soldats, ne serait ce que par un réconfort moral et une simple présence, dont beaucoup n'en ont plus pour longtemps, entre deux combats. 9/10

Piste 8 Johnny Colère: Une reprise, mais qui s'intègre naturellement dans l'œuvre ou la pensée du groupe. Chanson qui place le politique avant la famille ou les habitudes, et même tendant vers le révolutionnaire et l'anarchie ("ecarte le rouge, ecarte le blanc la seule couleur, c'est noir brillant"). Elle apparait cependant un peu faible à ce stade de l'album. 6/10

Piste 9, 7 minutes, retour à l'anglais. La mélodie est écrasé en purée par rapport aux autres chansons de l'album, elle ne se caractérise que par sa longueur, mal maitrisée, on s'y ennuis un peu pendant six minutes, et il s'agit peut être de la piste la plus anodine de cet album majeur. 5/10

Piste 10, Sober Song, toujours en anglais mais plus intéressante, Cantat murmure au micro et évoque les lendemains désagréables d'une nuit de biture et les bonnes résolutions, rarement tenues, de sobriété future. La mélodie, plus posée, prend des directions intéressantes, notamment dans la construction du refrain. Au niveau des paroles, la chanson gagne à rester en anglais, elle risquerait d'être ridicule après traduction... 6/10

Piste 11, It spurt, on continue sur cette fin d'album déclinante et en anglais, plutôt sympathique grâce à des envolées rythmiques solides. Cantat recommence à gueuler à s'en péter la voix, mais ça lui va pas mal. Il n'est pas étonnant qu'il ait rencontré des problèmes d'extinctions de voix, à tirer dessus ainsi. Les 30 dernières secondes de la chansons, ou batterie et guitares semblent dire au revoir, sonnent véritablement comme une fin d'album, ce qui rend que la piste finale encore plus inattendue et agréable. 7/10

Piste 12, Lolita nie en bloc. La chanson qui sauve la fin de l'album, Cantat parle d'une nouvelle fille, Lola, un peu semblable à Alice, perdue dans son monde, la tête dans les nuages, naïve, intouchable. La mélodie elle se rapproche d'Oubliée, lente, sombre et déchirantes lorsque les guitares sont saturées et les cymbales tonnent. Cantat y chante l'un des textes les plus sophistiqué et poétique de la carrière du groupe, à l'image de ce dernier couplet "désolé lola je n'ai pas su déchiffrer le sens secret de tes gestes lents aérés, simulacres ou magie futile à moins que le vide et l'ennui ne s'emparent de toi Lolita et si cette bulle pleine de rien voulait se crever enfin." Son chant est préservé par le calme de la mélodie, qui attend qu'il se taise pour exploser, ainsi que par un chœur en écho d'une jeune femme. C'est sombre, mais une nouvelle fois, très beau 9/10

Conclusion, Noir Désir arrive à maturité à partir de cet album Tostaky en 1992, et entames, à mon avis, ces meilleures années, qui comprendront le premier album live, le double album Dies Irae deux ans plus tard, puis en 1997 666.667 Club, pratiquement aussi bon. Ce sont les années, de hargnes et de vitalité sonores, de jeunesse des textes, plus enthousiasmante que l'accession à la sagesse du dernier album et le déraillement malheureux du groupe tout au long années 2000. Les chansons anodines ou moyennes se font plus rares que dans les premiers albums, les morceaux solides deviennent une norme, et miracle, les pépites sont assez nombreuses. Avec Oublié, Tostaky, Marlène et Lolita nie en bloc, l'album Tostaky aligne un carré de poids lourds du Rock hexagonal dont peu d'album peuvent se prévaloir. D'où le 9 global de la note finale, tant je suis admiratif de la densité de cet album, que je considère comme étant le meilleur issus du Rock français/
Dauntless
9
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le 27 déc. 2011

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