Half Life… Je l’ai terminé 4 fois depuis 1998, et je fini toujours par y retourner après quelques années d’oublis. Ce jeu représente un véritable classique à mes yeux, et même une expérience personnelle, un jeu qui m’a suivi fidèlement par touches successives depuis mon année de Seconde. Cet été 2012, la tentation de partir pour un nouveau run me tenaillait, avec l’idée d’en écrire une critique, un tel monument le méritant bien malgré son âge canonique. Car si les plus vieux, les trentenaires voir quadra’ d’aujourd’hui n’ont d’yeux que pour Doom, éventuellement Wolfenstein et Quake, moi, en 1998, j’ai eu mon premier PC, et j’ai commencé à fréquenter un cybercafé pour jouer contre des adversaires « humains »… Mmes premiers faits d’armes en lignes se sont produits sur les cartes d’Half Life, qui en plus se payait le luxe de proposer une aventure solo longue de 15 heures et extraordinaire. Half Life fut le bon jeu, au bon moment, un incontournable de son style, et un des noms qui comptent dans l’histoire du jeu vidéo.
Alors que j’étais prêt à réinstaller cette vieillerie sur mon PC, et à faire un bon dans le temps en jouant à un jeu techniquement au top… il y a 14 ans, j’ai soudainement entendu qu’un miracle s’était produit : Le remake d’Half Life basé sur le moteur Source d’Half Life 2 allait imminement sortir sur Internet. Il faut dire que ce mod’ avait été annoncé… en 2004, peu après la sortie d’HL², et qu’après deux ou trois ans d’attente, j’avais considéré que le projet titanesque avait avorté, l’enfouissant au plus profond de ma mémoire pour ne rien regretter.
C’est alors qu’à l’annonce de la sortie tardive, mais réelle de ce Half Life Source, j’ai attendu quelques semaines de plus, tenaillé par une légère impatience, moi qui attend Day 400 pour acheter mes jeux contemporains le moins cher possible ! Et bien m’en a pris !
Black Mesa est donc le remake d’Half Life, reprogrammé avec une grande fidélité (environ 80% de passages identiques, une majoritée du reste étant mieux que d’origine, à de rares exceptions) sur le moteur de Half Life 2, optimisé depuis 2004. Quand la fameuse séquence d’introduction du monorail se déclenche, le joueur dispose de 10 minutes de promenade au travers du complexe militaro-scientifique pour constater que ce moteur Source, même s’il n’est plus aujourd’hui de la dernière pluie, constitue l’un des plus formidables moteur graphique/physique de la décennie passée, encore employé par Valve aujourd’hui pour produire de nouveaux jeux, comme Portal 2 l’an dernier.
Si Half Life en jetait en 1998, force est de constater qu’il avait sacrément vieilli et pris un très méchant coup de vieux à la sortie de son successeur. Au contraire, Half Life 2, pourtant vieux de presque 10 ans, était tellement sublime à l’époque (et sobre en plus) qu’il reste tout à fait présentable aujourd’hui (et plus beau que tous les jeux Wii... hem !). Alors ce Black Mesa, encore plus optimisé, a de l’allure. Les modèles physiques des scientifiques et des gardes se sont multipliés, les bureaux sont jonchés d’objets comme des mugs, des photos, des livres, des microscopes, les murs couverts de tableaux élémentaires, de calculs mathématiques, de publicités, de notes de services, d’avertissement de sécurité, les pièces et bâtiments sont habillés, peuplés, agencés avec logique, cohérence, ils ne sont pas que de simple couloirs au travers desquels déambule le joueur armé de son fusil à pompe. Non, on a vraiment l’impression d’arpenter les couloirs d’un complexe scientifique qui n’était absolument pas destiné à servir de terrain de chasse à l’extra-terrestre, ce lieu est vivant et réaliste, malgré les folles expériences qui s’y déroulent ! Et à postériori, il faut avouer que certaines pièces d’Half Life 1998 ne ressemblaient pas à grand-chose, car les développeurs n’avaient pas déployé assez d’efforts, ou ne disposaient pas d’assez de puissance informatique à l’époque pour faire honneur à chaque recoin de Black Mesa. Avec ce mod’, le complexe est plus imposant, intimidant et majestueux que jamais. Arpenter Black Mesa, c’est le pied (de biche) !
J’ai lu par ci par là que les mécanismes d’Half Life étaient datés… Peut-être ne sont-ils plus à la mode, en ces temps de pullulation des FPS militaires à couloirs avec des armes génériques et des munitions illimitées, et pourtant, en rejouant à Black Mesa fin 2012, un constat glaçant déjà expérimenté depuis quelques temps s’impose : Le jeu vidéo n’est plus sur les rails du positivisme et du progrès constant depuis quelques années déjà ! Longtemps cet art jeune a été porté par le progrès technologique pour devenir toujours plus ambitieux, impressionnant et immersif, mais depuis la sortie de ce que l’on a appelé la « Next gen » désormais sur le déclin, le jeu vidéo semble patauger et peiner à poursuivre sa marche en avant. Et dans ce contexte, oui Half Life/Black Mesa est en décalage avec les codes contemporains, mais le comparatif joue à son avantage !
Black Mesa est en effet ce que l’on appelle désormais un FPS à l’ancienne, sous prétexte qu’il est plus difficile, exigeant et ambitieux que les ersatz qu’il a lointainement enfanté ces dernières années. Ici, point de régénération automatique de la vie, ce concept de facilité qui rend en quelque sorte l’avatar du joueur immortel s’il progresse avec patience. Non, les célèbres médikits sont présents, éparpillés de façon judicieuse, que dit-je, inégalée dans l’histoire du FPS (les trousse sur des lits d’hôpitaux militaires de campagne, les munitions dans des armureries de la sécurité du centre enthousiasmantes, l’uranium dans les laboratoires les plus top secrets qui soient, et parfois, quelques cadeaux cachés sur le cadavres de pauvres malheureux mort dans un cynisme digne de Paul Verhoeven, ou au détours de pièces alternatives demandant exploration et réflexion pour se dévoiler), et au travers du complexe, avant de mettre la main sur une trousse de soin ou mieux, une batterie d’énergie de combinaison HEV, le joueur sera contraint de se retrousser les manches pour venir à bout d’une meute de Vortigaunts ou d’une patrouille de Marines.
Ce détail change tout, le joueur doit surmonter un pic de difficulté avant d’obtenir sa récompense (après l’effort, le réconfort), il ne peut pas se contenter d’attendre derrière une caisse que la vie revienne toute seule pour finir par avoir à l’usure des bots défavorisé, et cette clef de gameplay pousse à l’initiative, à la prise de risque, à l’acquisition du skill, et au final, du plaisir.
Car Black Mesa est valorisant. Connaissant le jeu par cœur, je l’ai lancé en mode difficile, et un simple Marines armé d’un MP5 s’avère en mesure de venir à bout de Gordon Freeman si le joueur se contente de bourriner avec la même arme. Le héros n’est finalement pas un surhomme à ce niveau de difficulté, et le joueur doit réfléchir, mourir de ces erreurs, et recommencer plus fort pour appréhender les dispositifs ennemis déployés, penser à quel arme employer, quel ennemi éliminer en premier (un peu comme Eastwood dans Impitoyable !), et c’est face à ce challenge que la maniabilité exemplaire du jeu, ainsi qu’un arsenal lui aussi incontournable, expriment toute leur profondeur et leur potentiel ludique.
En effet, Black Mesa offre au joueur une gamme géniale d’armes diverses, réalistse pour une bonne moitié (Glock 9mm, Magnum, Shotgun, MP5, grenades), viseuses pour d’autres (mines laser, C4), ou tout simplement géniales pour d’autres (Gauss Gun, Bazooka, Arbalette). Entre réalisme et délires de science-fiction, le joueur est surtout plongé dans une diversité de style parfaitement équilibrée, et Black Mesa est un superbe FPS dans le sens où il pousse le joueur à utiliser des armes polyvalentes par défaut (MP5 et Shootgun) devant l’inconnu que représente la prochaine pièce, aux munitions standard mais pas forcément les mieux adaptés à l’opposition rencontrée (ce serait du gâchis et de la folie de charger le Gauss Gun à s’en électrocuter pour se retrouver nez à nez avec un HeadCrab merdique !).
Et ainsi, à chaque pièce, chaque découverte, chaque confrontation, cet équipement standard laisse place, dans le feu de l’action et sous une pluie de balle ou de crachat acides, à l’adoption d’armes spécialisées, plus délicate d’usages, aux munitions plus rares et précieuses, mais plus puissantes et susceptibles de changer la donne face aux monstres les plus coriaces (comme les fameux Grunt et leur lance frelon extra-terrestre, ou encore les blindés de l’armée US). Devant la difficulté de certains passages et l’obligation de survivre avec peu de points de vie jusqu’à la découverte d’une trousse, les stratégies d’embuscades et autres pièges jouissifs s’imposent : Si j’utilisais peu les grenades ou les mines dans Half Life, je me suis surpris à constituer des périmètres de sécurité minés afin de survivre à des vagues de 8 ou 10 marines, à attendre des extra-terrestre le doigt posé sur la télécommande de mon pain de C4 pour le réenvoyer illico en orbite ! Et encore, le mode multi-joueurs n’est pas encore livré avec Black Mesa, mais en pensant au plaisir que j’ai eu de piéger une simple (mais efficace) IA, je suis sûr que le DeathMatch de Black Mesa peut réunir de nouveau un grand nombre de joueurs sur les serveurs, surtout si les superbes cartes multi-joueurs sont recréées avec fidélité. C’est pour cela que je vais garder Black Mesa installé sur mon disque dur malgré le fait d’avoir fini la campagne solo.
Cette dernière est longue et enivrante, un véritable trip SF/horreur, parfois Survival, scindée en chapitres montant en puissance, entre premières escarmouches contre des zombis puissants mais assez peu dangereux, ces petites saloperies d’HeadCrab déjà plus emmerdants, puis l’arrivée des premiers Marines, le long passage des lignes ferroviaires sus-terraines, les deux ou trois gros monstres servant de boss à énigme (l’hydre à tentacules de la zone de test des réacteurs à fusée, les monstres marins, ces saloperies de Goliath !). Et il y a ce milieu de jeu génial qui prive le joueur de toutes ces armes ardemment récupérées, de toutes ces munitions précieusement économisée, suivi d’un niveau de plateforme glauque et génial à la déchèterie du complexe… et dire que je n’avait pas trop aimé à l’époque, mais cette cassure de jeu, cette transition entre la fin du début, et le début de la fin, fait partie de ces détails qui font la singularité d’Half Life ! Et la montée en puissance que constitue les laboratoires d’expériences sur la faune E.T (on constate alors que l’accident du début de jeu ne représente pas vraiment le début de l’accident Xenien), de conception des armes nouvelles, la traversée homérique du camp militaire, et enfin le saint du saint du complexe Lambda assiégé par l’élite des troupes extra-terrestres, devant lesquelles même l’armée baisse le bras et abandonne son matériel et ses morts dans un immense Dunkerque futuriste (« On oublie Freeman ! »).
Half Life, c’était un univers suffisamment réaliste pour être crédible et pour rendre dingue le fait de rencontrer des créatures venues d’une autres planètes, d’avoir peur de constater qu’elles sont hostiles et voraces, puis de paniquer en découvrant que l’armée, attendue en sauveuse, préfère étouffer l’affaire et l’accident en supprimant toute forme de vie, y compris scientifique, plutôt que de « protéger et servir » ! Les armes conventionnelles, les Apaches, les Abraham, les 4x4, cet univers vient tout droit de la fin des années 90’ et est incroyablement crédible, alors que finalement nous manipulons des prototypes laser, nous combattons des soldats E.T déposés par des vaisseaux Raie Manta, nous empruntons un réseau de points de téléportations, nous pataugeons dans des cuves dégueulasses pleines de produit radioactif (passages agrémentés de superbes crépitements sonores et effets de troubles de vision).
Black Mesa, avec sa technique solide issue du Source, et l’amour du sens du détail des moddeurs, sublime cette base révolutionnaire du Half Life 1998, représente un véritable univers, une ambiance incroyable. En rejouant à Black Mesa, je me rends définitivement compte qu’Half Life était plus prenant qu’Half Life 2, que ce complexe militaro-scientifique de Black Mesa manque terriblement dans l’univers, superbe tout de même, très 1984 de son successeur. En fait, il y a trop de différences entre HL et HL² pour dire que l’un est supérieur à l’autre, car combattre des tripodes dans une ville dévastée d’Europe de l’est a aussi un charme fou, mais Half Life avait pour lui Black Mesa, et ce n’est pas pour rien que ce nom symbolise et désigne le mod sorti 14 ans après.
Autant dire que ce Black Mesa, remake précis, fidèle, minutieux, peaufiné avec amour, du meilleur FPS de tous les temps, offrant gratuitement une œuvre et un travail comparable, peut être supérieur aux productions commerciales payantes contemporaines, représente un must have absolu ! Et dire que le projet n’est pas encore totalement achevé et gagnera encore en épaisseur dans les mois à venir…
Les plus :
_Les FPS, c’était mieux avant
_Le complexe de Black Mesa vit plus que jamais
_La fidélité hallucinante au mythe original
_Bonne tenue technique grâce à l’increvable moteur Source
_Le meilleur arsenal de l’histoire du FPS ?
_Maniabilité tip top exacerbant le skill.
_De toute façon, j’ai jamais aimé Xen
_Les hommages rétroactifs à Half Life 2.
Les moins :
_Le passage de l’hélicoptère a perdu en intensité.
_Les grunts ne font plus aussi peur qu’à l’époque.
_Quelques écarts avec le jeu original désorientent un peu.
_On voit moins le G-Man qu’avant ???
_Quand le multi sera implémenté ce sera encore mieux.