Toto existait depuis 1977 et s’était taillé une solide réputation dans le monde du rock avec un hit en or massif (Hold the line) qui commençait quand même à dater. En 81, Turn Back est un échec commercial et artistique, amenant leur maison de disques à les menacer de les virer tout simplement s’ils ne sortent pas un album à succès illico presto. Les relations sont aussi tendues entre les musiciens eux-mêmes sur fond d’addictions multiples. À partir de là, il existe 2 types de groupe : celui qui laisse tomber face aux difficultés et se sépare et puis celui qui par orgueil et talent, va sortir un chef d’œuvre dans une ambiance pourtant détestable. En optant pour la 1ère solution, Toto serait resté un « 2nd couteau » du rock, le groupe d’un seul succès, qu’on finit par oublier. Toto, vous l’avez compris, est d’une autre trempe et fait indéniablement partie de la 2nde catégorie. Lukather prévient les autres membres, pas de droit à l’échec : « On va faire ce qu’on sait faire de mieux ! ». Le groupe, détesté par les critiques musicales, relève la tête fièrement en sortant un de leurs chefs d’œuvre, peut-être leur meilleur album, Toto IV en 1982. Une pièce maîtresse du rock des années 80 qui n’a pas pris une ride et que je réécoute toujours avec le même plaisir régulièrement. Le groupe écrit certains de ses meilleurs morceaux et frappe un grand coup. Le groupe élargit ses horizons et fait appel à de nombreux musiciens additionnels pour l'enregistrement de l'album, dont les percussionnistes Lenny Castro et Joe Porcaro (père de la fratrie), le saxophoniste Tom Scott, ou encore Marty Paich (père de David et grand arrangeur de jazz). Toto investit tout d'abord les studios Sunset Sound Recorders et Ocean Way Recording à Los Angeles, où la plupart du travail d'enregistrement et de mixage a lieu entre fin 1981 et début 1982. Les cordes de Martyn Ford sont enregistrées et mixées à Londres, au sein des studios Abbey Road. Enfin, quelques sessions ont lieu au Hogg Manor, le studio personnel de David Paich situé à Sherman Oaks, en compagnie de Steve Porcaro. Dix chansons sont choisies pour figurer sur l'album. Le travail d'écriture et de composition est principalement effectué par David Paich. Steve Lukather signe pour sa part sa première composition avec le groupe, avec le titre I Won't Hold You Back. Steve Porcaro écrit et compose pour sa part le morceau It's a Feeling. Al Schmitt est choisi par le groupe comme un des principaux ingénieurs du son et Greg Ladanyi se charge du mixage. À cette époque, la plupart des enregistrements d'albums se font grâce à la technique de l'enregistrement multipiste. Les ingénieurs du son utilisent trois enregistreurs en simultané sur Toto IV, ainsi que la technique du re-recording. Bien qu'il s'agisse d'une technologie d'enregistrement avancée, celle-ci complique singulièrement les sessions, notamment lors de la synchronisation des nombreuses unités de bandes issues des différents enregistreurs. Entre dix et douze bandes sont utilisées pour chaque chanson. Sur Africa, qui est une des premières chansons travaillées par le groupe en studio, David Paich enregistre tout d'abord les claviers, puis la basse de David Hungate est ajoutée. Steve Lukather joue ensuite les parties de guitare, puis Paich inclut de nouvelles parties de piano. Jeff Porcaro joue l'une des premières boucles de batterie, accompagné par Lenny Castro aux percussions. À part Paich, personne ne pense que c’est une chanson assez forte pour figurer sur l’album (alors, un hit…). Elle est donc placée en fin d’album, sans trop y croire. Alors que l'enregistrement de Toto IV touche à sa fin et que la sortie de l'album est prévue pour avril 1982, David Hungate déménage à Nashville. Il décide de privilégier sa vie familiale et quitte le groupe, désormais remplacé par Mike Porcaro. Avec des titres comme Rosanna, Africa (début et fin de l’album !) ou Afraid of love, ce n°4 est un triomphe même si les avis des journalistes ont été au départ mitigés. C’est vrai que les singles étaient très pop, destinés à plaire au plus grand nombre et aux médias (radios, MTV et ces clips que Lukather détestaient tourner…), il n’y a aucune honte à ça, ce sont d’immenses chansons. Ca fera quand même chipoter certains fans de la 1ère heure. Les autres titres sont aussi en béton armé, surtout dans la 2e face avec Waiting for your love ou Lovers in the night, ultra-efficaces. Peu importent les aigris et les jaloux, Toto devient alors un des plus grands groupes de rock au monde ! La suite est plus compliquée car avec le succès mondial, les abus et addictions des musiciens se multiplient (comme souvent), aucune tournée n’est prévue en 84, une énorme erreur stratégique que Steve reconnaît aujourd’hui et leurs relations s’enveniment. Toto IV sera aussi le dernier album studio avec le grand Bobby Kimball, empêtré lui aussi dans ses addictions et finissant par ne plus être capable d’assurer son rôle. Il a fini par rejoindre le groupe pour les tournées quelques années plus tard.