Eclipse

4/10, c'est peut-être un peu sévère pour un disque plutôt bien réalisé, cohérent d'un point de vue sonore, remplissant avec honnêteté son cahier des charges d'album chill out.
Ça s'écoute bien - ce qui est la moindre des choses quand on navigue dans les eaux planes de l'easy listening.

Le problème, c'est que l'auteur de la chose est Mike Oldfield. Et que, connaissant le passif largement actif du gars, on est en droit d'attendre beaucoup mieux de lui.
Ne vous méprenez pas : le maître du tubulaire a parfaitement le droit de sortir du clocher qui l'a rendu célèbre et d'explorer d'autres territoires, moins familiers pour lui. Pour un artiste, surtout quand il mène une carrière commencée à l'adolescence et d'une longévité remarquable, c'est sans doute une condition sine qua non de survie.

Cependant, il faut tout de même le faire avec un minimum d'investissement. L'implication d'Oldfield ne saute guère aux oreilles quand on écoute Tr3s Lunas - ou plutôt, quand on commence à l'écouter et qu'on finit par faire autre chose quelques minutes plus tard, sans y prêter beaucoup d'attention.
Entre les interventions omniprésentes d'un piano jouant des mélodies interchangeables à un doigt sur des nappes de synthé vaporeuses, et quand un saxophone un peu trop crade pour être honnête ne s'en mêle pas, on retrouve avec plaisir le son de guitare si caractéristique du musicien. Pour pas grand-chose, néanmoins, car rien de tout cela n'est apte à soulever le moindre enthousiasme.

C'est peut-être un mauvais procès d'intention. Après tout, Mike Oldfield a composé cette musique pour un projet de jeu vidéo (éponyme) qui lui tenait sans doute à cœur, lui. Le jeu n'a guère laissé de souvenir impérissable, mais peu importe. Ce qui compte, c'est que le compositeur anglais a voulu tenter quelque chose de neuf, et qu'il a probablement essayé de déployer toutes ses forces dans la bataille.
Le résultat musical, hélas, n'est pas très probant.

Encore une fois, en soi, cet album n'est pas déplaisant. Il y aura des choses beaucoup plus sales, trois ans plus tard, dans Light + Shade.
Néanmoins, à l'image du jeu vidéo, coulé à grande vitesse dans les limbes de la discipline, Tr3s Lunas est un disque un peu trop plat pour accrocher l'oreille. Trop quelconque pour interpeller, et encore plus pour un affamé d'oldfielderies géniales.
C'est malheureusement devenu la norme pour les amateurs du fabuleux guitariste, depuis la fin des années 90... et jusqu'à 2017, où son magnifique Return to Ommadawn laisse espérer quelques derniers sursauts d'inspiration.