Il y a quelques années de cela, tu m'aurais dis Benjamin Biolay je me serais marré comme une baleine avant de te cracher à la gueule et de me resservir un whisky en me grattant les couilles peinardos.
Mais mon irascibilité et mon impétuosité se sont, hélas, émoussées avec le temps. J'ai gagné en patience et en sagesse ce que j'ai perdu en testostérone et en sectarisme imbécile.


Ma première rencontre avec le beau Benji s'est faite par le biais d'un pari.
Un pari idiot autour d'une bouteille, un apéro interminable où les bouteilles de vin rosé et le coucher de soleil semblent éternels.
Tandis que je crachais allègrement sur la nouvelle variété Française et ses représentants bien coiffés; tandis que je me gaussais bruyamment de ce pauvre Christophe Maé, du triste Benabar ou des autres roots en papier mâché de Tryo, mon pote me glissa le nom de Benjamin Biolay au creux de l'oreille.
Biolay ? Biolay ! L'autre gominé à cheveux gras avec sa mèche devant les yeux comme une saloperie d'ado de quatorze piges ? Le Bobo prétentieux qui parle dans sa barbe et qui se prend pour Gainsbourg ? DE LA MERDE !
Mon ami voyant mon emportement et craignant pour les vitres de ses baies me resservit immédiatement un verre de ce Bourbon délicieux pour calmer mes ardeurs et me glissa l'album Trash yéyé dans la musette. Au cas où.


Le lendemain, les yeux encore embués par quelques vapeurs d'alcool et la langue râpeuse comme une espadrille, je tombais sur l'album que mon pote m'avait refilé en douce: Trash yéyé.
Malgré un mal de tronche à couper au couteau et une réticence épidermique à l'encontre du bonhomme, j'enfourne tout de même la galette et me love (ou m'affale lourdement. Au choix.) sur mon canapé en compagnie d'une demie-douzaine d'Efferalgan pétillant paisiblement au fond d'un verre d'eau.
Là, pas de réaction cutanée, de migraines ophtalmiques ou de vomissements intempestifs, mais une ambiance étrange qui me happe. Une atmosphère lourde, froide et entêtante qui me prend par l'oreille et me force à rentrer dedans.


C'est Bien Avant qui t’accueille avec sa petite guitare aigrelette et sa rythmique enfantine. Bien Avant qui donne le La d'un album mature et envoûtant.
Biolay (qui est tout de même grand prix du conservatoire de Lyon) dessine un disque funambule, embrassant les différents styles d'une Pop qu'il maîtrise à merveille.
Rock, Electro... Biolay cisèle un album aux multiples influences et pourtant tellement personnel. Des tranches de vies susurrées à ton oreille par la voix grave du Benicio DelToro de Villefranche-sur-Saône, des murmures sensuels soufflés sur des mélodies grisantes et capiteuses.
Cordes, cuivres, synthé, Benjamin Biolay ouvre la palette des instruments et peint aussi bien des tableaux intimistes, personnels et crus ( comme sur la sublime Rendez vous qui sait et son " Quand je serais gris, quand tu seras blonde..."), que les grands espaces flamboyants et "Morriconiens" ( Cactus Concerto).


Biolay décolle véritablement avec cet album. Les morceaux prennent de l'ampleur, de l'épaisseur (Qu'est ce que ça peut faire ?), une consistance musicale réelle mais pas que...
Les mots se durcissent, se "masculinisent".
Les textes se désenchantent, se "Houellebecquisent", les histoires d'amour ne durent plus, les histoires de culs se suivent et se ressemblent, débandantes en diable.
L'amour n'est qu'illusion douloureuse et le sexe qu'habitude malsaine.


C'est une nouvelle voie/voix qui se démarque dans un Rock Français tristounet.
Un Rock dépressif, blasé, sur le pourrissement des sentiments et le désenchantement amoureux; le tout sur une production impeccable, sur des mélodies froides et enivrantes.
Biolay lâche les chiens, trouve sa voie/voix et prépare avec ce Trash yéyé sa grande oeuvre à venir: Le magnifique La Superbe.


Une brillante leçon donnée par la plus belle tête-à-claques de la Pop Bleu-Blanc-Rouge, par l'éternel incompris de la chanson Française au petit con sectaire et alcoolisé que j'étais.


Bien fait pour ma gueule.

Ze_Big_Nowhere
8
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le 29 nov. 2015

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Ze Big Nowhere

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