My Sleeping Karma est une formation allemande qui joue un stoner assez surprenant, loin du gras ou du sinistre habituel du genre, au profit d'une musique assez épurée, et comme semble le suggérer le thème de cet album concept, zen.
Avant-dernier album en date du combo, Tri est une méditation musicale d'une grande beauté autour de la religion hindoue. Si le groupe tire déjà son nom d'un concept phare des religions asiatiques, la musique de cet album épouse avec une sensualité sereine ces préceptes, et la pochette donne le ton.
9 morceaux liés par deux nous attendent, soit 4 paires et un morceau isolé.
Sont ainsi formés des couples de divinités hindoues, à commencer par le dieu démiurge, Brahma, ici Brahama.
La musique du groupe est entièrement instrumentale, ce qui peut sembler être un obstacle pour certains, mais qui ne l'est jamais ici. En fait, je ne le savais pas avant d'écouter l'album, et je n'ai même pas fait attention à l'absence de chant. Ce voyage musical procure une sensation reposante, idéal pour décompresser, mais il ne se limite pas à de la musique d'ambiance efficace, tout y est au contraire minutieusement travaillé.
Chaque couple de morceaux suit une logique : le premier est long, le second plus court, plus expérimental: ainsi le collage de samples de Sattva. La plupart des pistes exposent un thème et lui imposent des variations, des modifications, amplifications ou (de)crescendos. En résulte tout un art de la composition d'une grande finesse et d'une grande élégance. La musique telle qu'on l'entend est de fait difficilement descriptible : planante, psychédélique, répétitive mais jamais ennuyeuse, les morceaux s'enchaînent avec fluidité et, il faut le dire, une remarquable diversité au sein de cette cohérence musicale qui sied aux albums concepts. S'il fallait comparer ça à quoi que ce soit d'existant, je dirais Tool dans ses moments les plus planants (10 000 Wings, Right in Two) et instrumentaux. La musique du combo allemand a en effet l'aspect assez millimétré des compositions du groupe américain.
La production est soignée, chaque instrument y a belle place, que ce soit la rugosité de la basse, la douceur et la subtilité des guitares, la nappe de claviers planants ou le jeu extrêmement varié et intelligent du batteur, qui croise diverses influences, notamment le jazz, et nous offre des moments somptueux au charleston ou sur les cymbales.
Enfin, il faut bien évidemment préciser qu'il s'agit bel et bien de stoner, donc de metal, et pas juste d'un Trip hippie sous acide : si la plupart des titres, hypnotiques, démarrent en douceur, l'art savamment maîtrisé par les musiciens du crescendo confère à ces compositions une aura qui atteint parfois une certaine violence, donnant lieu à une succession de riffs mordants où éclate le "stoner" du groupe, achevant de diluer les leitmotive esquissés dans les minutes précédentes.
Un grand disque, à n'en pas douter.