I smell smoke that comes from a gun, named Extinction.
Alors que l'histoire aura surtout retenu Doolittle et Surfer Rosa, ils serait injuste d'exclure Trompe le Monde de la discographie de Pixies. Celui-ci était en effet un album clairement en avance sur son temps et aux antipodes de ses prédécesseurs.
Absurdement puissant, l'album doit une grande partie de son aura à son production léchée (une habitude avec Pixies ceci dit). Les sons de guitares sont tranchants comme des lames de rasoir, la basse bondissante comme jamais et la batterie ultra-énergique. De là impossible de passer outre la voix de Frank Black, totalement neuve. S'égosillant comme jamais, le chanteur crie, hurle, s'étrangle, supplie et déraille pour notre plus grand plaisir.
Ici il chante les extra-terrestres, la rage ou encore Gustave Eiffel. Globalement colérique, Trompe le Monde est le plus punk des albums des Pixies depuis Surfer Rosa. Des chansons comme Planet of Sound ou The Sad Punk font clairement parti des morceaux les plus énervés du groupe. Rien de plus étonnant quand on sait que les Pixies étaient au plus mal, les menaces fusant de part et d'autre. Et pour cause, Frank Black, de plus en plus mégalomane persécutait littéralement les autres musiciens. De fait Kim Deal passera plus de temps avec son groupe, les Breeders qu'avec les Pixies, ce qui signera sa remarquable absence aux choeurs. De leur côté, Dave Lovering et Joey Santiago se contenteront d'obéir aux directives de l'énorme dictateur.
Mais loin de s'arrêter à cela, Trompe le Monde compte aussi des morceaux plus légers, plus dansants, à l'image de Alec Eiffel et son entêtant "Oh Alexander I see you beneath the archways of aerodynamics ooooh", répété à tue-tête mais aussi Motorway to Roswell. Notons aussi l'excellent reprise de The Jesus and Mary Chain (dont le groupe est fan depuis toujours), Head-On.
Trop souvent caché derrière Doolittle, il est pourtant une pépite à laquelle on devrait plus souvent prêter attention. À l'image de sa pochette, cet album est dégoûtant et bizarre, viscéral et nébuleux, énervé voire dément, spatial et exotique, absurde et déraisonné. Trompe le Monde signe la destruction d'un groupe en un milliard de morceaux sur la planète du son, mais également du rock tout entier sans rien laisser derrière. Après celui-ci le spectre des Pixies ne cessera jamais de grandir jusqu'à atteindre celui qu'on lui connaît aujourd'hui : un des groupes de rock les plus influents de tous les temps, à l'origine du grunge et de toute la musique qui en a découlé. Mais plus encore que le reste de la discographie des Pixies, Trompe le Monde est définitivement un album avant-gardiste unique en son genre, encore totalement incompris (et qui ne le sera probablement jamais). D'ailleurs, on en a jamais revu des pareils.