Depuis 2004, « This Will Destroy You » explorent les limites d’un nouveau genre expérimental fondé dans les années 90. On parle ici de post-rock. Il se caractérise généralement par des riffs de guitare atmosphériques accompagnés de batterie et de synthétiseurs hypnotiques. C’est un genre peu accessible qui pousse les limites de ce que l’on appelle communément « musique ». En effet, le genre aura donné naissance a des chansons et des albums qui se rapprochent de dangereusement mais aussi confortablement de l’abstrait.
« God Speed,You! Black Emperor » en l’occurrence nous révèle un album complétement hypnotique et atmosphérique avec “Raise your sticky fists like antennas to heaven”. GSYBE y inclut des voix des violons, des bruits de train et s’amusent avec leurs synthétiseurs de plus en plus dissonants. C’est presque du « white noise » tant le groupe se penche dans l’abstrait. TWDY n’est pas de ce type. Il serait dommage de considérer un groupe comme meilleur que l’autre, ils sont différents mais sont tous les deux d’une créativité innovatrice et rafraîchissante que l’on retrouve de moins en moins de nos jours. Tandis que GSYBE tend vers des chansons plus longues sans début ni fin, TWDY penche plutôt pour un dosage mesuré de « post » et de « rock ». Autrement dit, l’abstraction parfaite.
Dans « Tunnel Blanket » TWDY sont moins expérimentaux que dans leurs autres albums et même que dans le genre en général. Ils se reposent sur des valeurs sûres du genre ce qui nous donne des titres très polis et propres qui sont plus faciles à écouter que la moyenne des chansons post-rock.
Toutefois, l’album commence fort avec « Little Smoke » l’une de leurs meilleures chansons selon moi. C’est aussi (et je pèse mes mots) une des chansons les plus perturbantes et tristes que j’ai eu l’occasion d’écouter. Et quand je dis chanson, je veux dire que le titre conserve quand même une certaine musicalité et un rythme, ce n’est pas simplement une succession de bruits étranges ou perturbants. La manière dont TWDY arrive à concilier cet aspect perturbant et rester dans les limites de ce qu’est une chanson et sans oublier qu’aucune de leurs chansons n’a vraiment de paroles ne cessera jamais de m’impressionner. Je ne m’attarderais pas dessus, c’est une chose qu’il faut écouter et comprendre.
Le structure de « Little Smoke » est retrouvée plus tard avec « Black Dunes ». Celle-ci est plus calme et moins chargée d’émotions, mais finit avec un outro lourd et grave. Il m’arrive d’écouter « Black dunes » juste pour en entendre l’outro. Les notes graves du piano, les synthétiseurs superposés bourdonnants comme pour annoncer la fin d’un événement dévastateur et d’une profonde tristesse. C’est presque un sentiment de deuil. Ce sont d’ailleurs les dernières impressions laissées quand l’album prend fin, ou plutôt celles qui nous sont laissées lorsque on essaye de se souvenir de l’humeur de l’album.
On retrouve un peu cette même atmosphère et sensations que l’on retrouve dans « Reprise », on repasse à un titre beaucoup plus fort et bouleversant. On éprouve tout de même un certain plaisir à l’écouter, les différents sons employés sont à la fois d’une indéniable beauté et d’une profonde tristesse. On pourrait comparer cette chanson a une longue et belle vidéo très bien filmée des dommages d’un cataclysme meurtrier. Je vais même pousser l’idée plus loin en ajoutant qu’on assiste à un véritable cataclysme émotionnel, les émotions nous submergent, s’entrechoquent et laissent derrière elles un terrain vague complètement métamorphosé par ce qui vient de se passer on assiste à sa propre destruction (blague intentionnelle).
Voila ce qu’il en est pour les chansons tristes de l’album. Il y en a d’autres mais qui sont moins marquantes et significatives selon moi. Je donne mon avis sur les chansons dans le désordre, les titres ne sont pas divisés selon le registre de la chanson (je ne crois pas qu’il existe de registre dans le domaine de la musique mais vous m’avez compris).
Le premier titre qui me vient à l’esprit quand je pense à la partie plus « joyeuse » de l’album est « Glass Realms ». Elle suit directement « Little Smoke » dans l’ordre de l’album. Elle n’est pas particulièrement joyeuse, mais pas particulièrement triste non-plus. Elle surtout très atmosphérique et exprime plutôt de la nostalgie, un mélange de joie et de tristesse. « Killed the Lord, Left for the New World » quand a elle exprime plutôt une fin heureuse, mais c’est tout de même une fin. Ironiquement, malgré la présence de ces quelques chansons, l’album reste profondément mélancolique et dépressif. Ces chansons contribuent à cela.
Beaucoup de ce qui est ressenti dans cet album est dur à mettre en paroles, This Will Destroy You ont compose un véritable chef-d’œuvre du post-rock. Ils excellent dans un genre dont les limites n’ont pas encore été proprement définies. Ce n’est certainement pas de la musique accessible a tout le monde, elle demande à être comprise, ressentie et méditée. L’expérience est presque intemporelle, contrairement a d’autres chansons TWDY ne prend pas notre attention juste l’instant d’une chanson : on se retrouve à retourner à l’album, on se pose des questions, on découvre des nouveaux aspects autrefois passés inaperçus. Ce qui est sûr c'est qu’après avoir réellement écouté « Tunnel Blanket » on n’est plus vraiment le même, les quatre artistes agissent comme un tsunami qui vient envahir et bouleverser nos pensées, et ce ne sera donc pas pour rien que le groupe se nomme « This Will Destroy You ».