L'indéfendable
Je suis un peu fou de m'attaquer à un aussi gros morceau, et j'ai bien conscience que beaucoup de gens s'y appliquerait bien mieux et plus justement que moi, mais je me permets parce que ce que je...
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le 9 janv. 2023
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Brain Failure est considéré comme le groupe le plus influent de la scène punk chinoise, et un de ses pionniers, ce qu'on doit en grande partie partie à son fondateur, Xiao Rong, le léopard fou, légende locale et grand admirateur des Clash, clairement l'influence la plus notable du groupe.
Étonnamment d'ailleurs, Xiao Rong était tout sauf destiné à devenir une icône de la contre-culture chinoise, puisqu'il est le fils d'un membre de l'élite du parti communiste chinois, avec qui il entretenait visiblement une relation conflictuelle. Il rencontre à sa prestigieuse école deux camarades avec lesquels il commence à jouer de la musique au Scream Club, épicentre de la scène punk alors toute naissante.
Gao Yang, membre des Underbaby (le tout premier groupe grunge/punk de Chine), impressionné, rejoint le groupe pour un petit temps et leur permet de gagner une certaine crédibilité.
Bientôt les tensions entre Xiao Rong et son père le pousse à quitter le foyer familial pour errer dans les bas-fonds de la capitale, arborant une immense crête iroquoise et un collier de toutou tout pointu ; son look va définir pour quelques années la norme esthétique de la scène punk locale.
Visiblement il avait alors vraiment la rage, puisque toutes les compositions du groupe de cette époque se cantonnent au punk hardcore, comme on l'entend dans le projet collaboratif Wuliao Contingent ou dans leur premier EP « Punk Shine on China ».
Après quoi Xiao Rong abandonne la crête iroquoise générique pour arborer sa coupe de cheveux léopard iconique, et les Brain Failure sont amenés à se reformer, la plupart des membres changent et sort alors leur premier album. Le style général du groupe y a évolué : si l'origine hardcore se retrouve toujours dans quelques compositions, autant dans les textes très explicitement provocateurs ou politiques que les instrumentales survoltées (Lick Me Baby, Living in the city en tête), leur style a évolué clairement – désormais beaucoup plus accessible – et puise ses influences ailleurs, principalement dans le ska (My Simple Life ou No Dirty Punx, une reprise de leur propre morceau Three Dirty Punks sur Wuliao Contingent), ou dans le rock alternatif (2008).
L'album a été construit comme un bloc uni, et c'est comme ça qu'on le ressent ; c'est un peu le genre d'albums qu'on est forcé de (ré)écouter en entier dès la première piste lancée, car les morceaux s'enchaînent avec une fluidité folle (la transition entre KTV et The Party's Down me fout des frissons à chaque fois), chacun étant si remarquable qu'il en devient indispensable.
Un des ingrédients les plus importants de la qualité de ces compositions, c'est leurs lignes de basse, toujours exceptionnelles. Shi Xudong est rentré dans mon panthéon des plus grands : je crois que je ne me lasserais jamais des interludes presques jazz de KTV, de l'intro de Lick Me Baby, ou des riffs bondissants de Call the Police et My Simple Life, toujours accompagnés par la batterie précise et combien expressive de Xu Lin, capable de s'abattre comme des rafales de mitraillettes sur Tuqian's Song ou avec un toucher plus swing dans KTV.
Mais la guitare n'est pas en reste non plus : que ce soit le riff ultra lancinant et dansant de Coming down to Beijing, probablement mon morceau préféré du groupe, celui mélancolique de Sail, le solo épique de 2008, ou celui tout timide puis grondant de My Simple Life, Wang Jian s'illustre dans une belle diversité de styles.
A ça s'ajoute le chant guttural et brut de Xiao Rong, qui appuie son mauvais accent avec ironie, crache ses paroles sur Lick me baby, et les aboie sur No Apologize, et on obtient un album viscéral, ultra jouissif et défouloir par moments mais aussi très mélodique et dansant à d'autres, parfois même plutôt tendre, un monument du genre.
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Créée
le 17 oct. 2023
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