Savez-vous planter le chou-gaze, à la modeuh à la modeuh ?
J'avais perdu foi en le shoegaze. En dépit de belles claques assénées lors de ma découverte progressive du rock indé ; My Bloody Valentine, Ride, Jesus & Mary Chain, etc, force m'est de constater que des albums plus récents avaient peiné à me convaincre, en tant qu'ils étaient le plus souvent des resucées inertes des gloires d'antan. Pas une année sans que je tente les dernières sensations shoegaze, aussitôt écoutée aussitôt oubliée. Le dernier album du style dont je garde un très bon souvenir, c'était lorsque A Place To Bury Stranger avait décidé de baisser d'un ton en 2009, c'est vous dire. Et puis, sorti de nulle part, au coin d'un bandcamp isolé, voilà que débarquent 4 finlandais qui, du haut de leurs fjords, m'ont concocté autre chose qu'un bête nouvel album de shoegaze : un album de shoegaze nouveau. Ujubasajuba.
Nouveau parce qu'ils reprennent les codes du style pour mieux les déjouer et y mettre leur grain de sel. Ils évitent de tomber dans l'écueil de la répétition ad nauseam d'une même formule (on retrouve ça dans la myriade de groupes post-rock qui tournent en rond en appliquant à la lettre une recette usée jusqu'à la moelle). Chez Kairon; IRSE!, on retrouve bien les grosses guitares qui envahissent le mix, les voix éthérées en fond, mais contrairement à la plupart des morceaux shoegaze classiques, qui sont bien souvent des pop-songs dissimulées, le format ici est complètement éclaté. La durée moyenne d'un morceau est aux alentours de 7 à 8 minutes, avec un sommet à 11, de quoi se construire un petit monde à chaque étape. La bonne vieille formule couplet-refrain est explosée, des tiroirs font irruption petit à petit et les fréquents ponts sont prétextes à de superbes envolées instrumentales où la guitare, de lourde et épaisse chenille, se mue en papillon aérien. Un peu comme si du prog ou du post-rock s'étaient camouflés avec avec une prod shoegaze, en quelque sorte. Tout cela pour donner naissance à une identité sonore propre au groupe et à des morceaux finement construits ( et brillamment exécutés).
C'est donc un voyage inédit que nous propose Ujubasajuba. Chaque nouveau morceau se différencie radicalement du précédent, tout en restant dans une même mouvance, chapeau bas pour ce petit exploit. L'auditeur est ainsi constamment secoué, amené en permanence à se remettre en question. Le but recherché n'est pas une certaine forme d'abrutissement cotonneux comme celui que peut provoquer un Loveless par exemple. Maintenant, grâce à Kairon; IRSE!, je vais mieux. J'ai retrouvé goût au shoegaze, pour preuve j'ai enfin découvert le Souvlaki de Slowdive, rien que ça.