1987 voit William Sheller faire les choses en grand, à tel point que sa musique mute véritablement, se pare de plus de couleurs qu'elle n'en avait auparavant. Auparavant, le musicien a pu expérimenter un peu en solo au piano mais aussi avec un quatuor à cordes belge, le quatuor Halvenaf et avec Univers il est fin prêt, le grand tournant Shellerien est en marche.
Oh bien sûr il y avait bien eu avant cela des compositions écrites pour quatuor en 85 où côté arrangements, l'ami William laisse sortir sans problème sa verve lyrique pour se faire la main mais inutile de dire que c'est le genre de chose qui passe assez inaperçu du côté du grand public.
C'est Univers donc, puis Ailleurs ensuite, qui officialisent le virage.
Ici l'artiste ose un mélange de pop et de rock avec des influences symphoniques. Par petites touches ça et là, plus concentré à d'autres moments. « Encore une heure, encore une fois », « les miroirs dans la boue », l'instrumental mélancolique « Chamber music », « Cuir de Russie » (un titre que j'ai souvent écouté plus que de raison)...
Et puis surtout deux compositions géniales et terrassantes à écouter fort.
« Le nouveau monde » où Sheller s'engage par moments sur le terrain d'un Vivaldi avec une fougue qui ne démérite pas et des paroles fabuleuses où le cinéma et la littérature fusionnent. Incroyable.
« Vous...
Qui restez si bien de glace,
Souffrez que mes mots n'dépassent,
Le peu de raison que je tienne,
Quand vous laissez ma peine ...en disgrâce... »
Et puis il y a « L'empire de Toholl ».
9 minutes où William s'adonne au rock progressif à travers une fresque d'héroïc Fantasy qu'on jurerait issu d'un film. On passe par tous les climats sans que le morceau ne perde trop sa verve. On comprend d'ailleurs pas forcément tout, merci le mixage à la française (celui qui me fait toujours monter le son sur les voix des films français récent parce que bordel, on comprend rien ou bien les acteurs AR-TI-CU-LENT pas assez) mais ça fout quand même bien la patate. On comprend pas forcément où il veut en venir, ça semble presque une composition après coup crée pour se rôder sur ce qu'il va pousser encore plus loin sur l'album d'après, Ailleurs, mais ça reste un ovni plus que bienvenu. Osni, plutôt.
A noter qu'on est en plein dans les années 80 et pourtant, merci William, on échappe à une production synthétique et froide qui gangrène à pas mal de niveau la musique de cette décennie.