[untitled] par David Mennessier
Le 5 avril 2012 disparaissait à l'âge de 41 ans la chanteuse et photographe américaine Cynthia Dall, une artiste rare et singulière dont la carrière discographique fût intimement liée à celle du chanteur Bill Callahan. A cette époque, précisément entre 1993 et 1996, Callahan se cache toujours derrière le pseudonyme de Smog, ses chansons semblent encore décharnées et glaçantes, elles n'ont pas encore entrevue la lumière, il faudra attendre le milieu des années deux-mille pour contempler cette mue d'importance. Lorsque Cynthia Dall croisa son chemin elle s'était déjà fait connaître en réalisant des photographies sous forme d'autoportraits trash pour le fanzine féministe Roller Derby, dirigé par la performeuse Lisa Carver. Mais c'est sa voix unique et ensorcelante (quelque part entre Lisa Germano et Hope Sandoval) qui se fait entendre pour la première fois via une face-b d'un 45 tours de Smog, le tourmenté et magnifique "Wine Stained Lips" en 1993. S'en suivra ça et là d'autres apparitions à peine murmurées sur le mini album "Burning Kingdom" et sur les albums "Wild Love" et "The Doctor Came At Dawn". Il est pourtant difficile d'imaginer que Cynthia Dall va en 1996 accoucher d'un disque à la beauté foudroyante, un opus qui ne porte pas de nom: "Untitled", sans titre. Une pochette énigmatique illustrée par une estampe japonaise comme porte d'entrée idéale à cet univers à la rigueur contenue et au désespoir infini. Si les musiciens Jim O'Rourke et Tom Mallon ne sont pas étrangers à la cohérence du disque c'est pourtant bien le couple Dall/Callahan qui portent en lui les clés de ce dédale de mélancolie comateuse. Pour entouré cette voix, les armes sont peux nombreuses (violoncelle, légers accords dissonants à la guitare, piano minimal) mais marquent les esprits de façon telle qu'il est difficile d'en sortir totalement indemne. Il semble impossible de revenir d'un tel disque, que soit pour l'auditeur mais aussi pour son auteur qui mettra six ans à donner une suite à cet essai trop beau pour être vrai. Sans Bill Callahan mais avec tout autant de justesse dans la démarche, Cynthia Dall reprit les choses là où elles s'étaient terminées en 1996 via la comptine russe "Krutitzuh Viertitzuh" et sorti un deuxième album encore plus rachitique que le premier, le très confidentiel "Sound Restores Young Men". Et puis plus de nouvelles jusqu'à cette annonce inattendue.