Le premier à donner un indice se nomme Duncan Brooker, un collectionneur obsessionnel anglais qui depuis le milieu des années 90 amasse tout ce qu'il est possible de dénicher en terme de musique africaine avec un intérêt plus marqué pour les disques nigérians. En 2001, c'est lui qui est l'instigateur de l'excellente compilation publiée par le label Strut "Nigeria 70: The definitive story of 1970's Funky Lagos". C'est là, entouré de Fela Kuti, Segun Bucknor, Peter King et les Lijadu Sisters que le nom de William Onyeabor apparaît pour la première fois avec un titre déjà hors-norme le fantastique et déroutant "Better Change Your Mind". Déroutant car les textures synthétiques et le voix de Onyeabor diffèrent complètement des codes de l'Afro Funk et de l'Afro Beat. C'est à partir de ce morceau (absent d'ailleurs de la compilation ici présente) que beaucoup se mirent en tête d'en savoir plus sur cet artiste atypique et surtout de le retrouver pour connaître son parcours de vie. Oui mais voilà, William Onyeabor ne veut plus entendre parler de ses oeuvres de jeunesse (que l'on peut dater officieusement de son premier album ("Crashes In Love") sorti en 1977 jusqu'à son dernier ("Anything You Saw" publié en 1985). Et si en 2013 il semble toujours composer de la musique, il préfère la mettre au service d'une communauté chrétienne située à Enugu, une ville rurale et isolée du sud du Nigéria.

Ne comptez donc par sur lui pour donner plus d'explications sur la provenance des sons qu'il a produit durant une petite dizaine d'années sur les huit albums sortis via son propre label, Wilfilms Records. Un nom qui est aussi en lien direct avec ses études de cinéma exercées en Russie au début des années 70. A cette époque son intention était bel et bien de devenir cinéaste mais à son retour au Nigéria il fonde son label et investit ses deniers dans toutes sortes de synthétiseurs qu'il utilisera de façon atypique sur les trente-deux titres de sa courte carrière. Dire qu'Onyeabor était un artiste engagé serait un peu exagéré surtout comparé à la carrière de Fela Kuti qui mettait de façon récurrente sa vie en danger via des chansons revendicatrices dénonçant tour à tour les méfaits du colonialisme, du post-colonialisme et de la junte militaire au pouvoir. Onyeabor est lui aussi marqué par les évènements qui secouent son pays en particulier ceux liés aux conséquences de la guerre du Biafra. Mais là où Fela est plus explicite dans ses mots, Onyeabor choisit d'être plus concis quitte à paraître plus simpliste. Cette apparente simplicité ainsi que la répétition de refrains entêtants sied parfaitement au décorum musical fait de sons issus de moog acidulés, de basses vrombissantes et de guitares fuzz obsédantes jusqu'à l'overdose.

Après de nombreuses spéculations autour du nom du label occidental qui rééditerait la discographie de William Onyeabor, c'est finalement au label américain fondé par David Byrne (ex-Talking Heads) et Yale Evelev, Luaka Bop de rafler la mise. Comme à leur habitude c'est sous la forme d'une compilation qu'ils éditent ce disque, une démarche qu'ils ont déjà effectuée par le passé pour des artistes aussi divers que Tom Zé, Shuggie Otis, Vijaya Anand ou OS Mutantes. Une introduction salvatrice et idéale de neuf titres qui prennent leur source dans les racines funk d'Afrique de l'ouest le tout mêlé à chaque fois à un groove futuriste imparable qui devrait sans doute pousser le label américain à rééditer l'intégralité des albums d'un William Onyeabor qui est encore loin d'avoir livré tous ses secrets au commun des mortels.
DavidMennessier
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le 13 déc. 2013

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