Upstairs at Eric’s
6.7
Upstairs at Eric’s

Album de Yazoo (1982)

On donne deux raisons pour lesquelles Vince Clarke quitte sa co-création Depeche Mode en 1981. Après le succès inattendu de Speak and Spell, il commence à sentir stress et pression, avec quoi il n'avait pas envie de se battre si tôt dans sa carrière. Le groupe prend aussi des directions musicales que lui, n'apprécie pas, préférant rester maître de son œuvre. Laissant ses amis malheureux (même si comme on le sait, il se relèveront vite), Vince s'en va avec quelques mots sur un papier et un riff de guitare dans la tête, qu'il traduira facilement en synthé ; « Only You ». Il répond au même moment à une annonce du NME : « jeune chanteuse d'inspiration Blues cherche groupe ».


 La chanteuse en question n'est autre que la copine d'école de la première mouture de Depeche Mode ; Alison Moyet. Vince la connait pour l'avoir vu chanter avec certains de ses amis dans de nombreux groupes punk et blues, il connait donc bien l'intensité de sa voix. Elle, est plus dans un état d'esprit Punk que « New Romantic », révoltée par sa situation de Basildon, à son manque d'argent ou d'éducation. Voulant percer dans la scène pub-rock anglaise, elle se sert donc du son de Vince comme bande démo car elle n'avait pas les moyens d'enregistrer autrement.
Avec l'aide d'un ingénieur du son de DM, Eric Radcliff, ils fondent Yazoo. Daniel Miller, patron de Mute (où se trouve déjà Depeche Mode) n'était pas trop fan de ce « Only You » mais ses associés le convainquent de les signer. « Le titre a un rythme simple et un manque de prétention. Tu n'as pas besoin d'être un grand chanteur pour le chanter, ni un grand musicien pour le jouer. C'est universel, une chanson pour tout le monde » dira Alison. Ce qui était censé être une face B attire aussi particulièrement l'attention : « Don’t Go », leur plus grand tube et dans le panthéon des plus célèbres gimmicks au synthé à côté de « Just Can’t Get Enough ». Après ces deux premiers succès, Mute leur demande un album et deux mois plus tard, sort Upstairs at Eric’s et Alison devient Pop Star.
Avec leur Roland Mc-4 Microcomposer, le duo enregistre tôt les matin, les studios étant occupés l'après-midi par Fat Gadget. Ils bénéficient d'une assez grande liberté et contrairement à ce qui se disait à l'époque, les compositions sont partagées, Alison signe une partie des titres, inégalement bons comme ceux de Vince. Tout dépend si le mariage entre la voix et ‘instrumentation prend ; par exemple, sur « Goodbye Seventies », on sent qu’Alison s'excite un peu trop sur les refrains alors que Vince sonne un peu à côté avec son martèlement Hi-NRG. Par contre, sur « Bring Your Love Down » ou « Bad Connection », le mélange détonne et auraient pu percer dans les charts s'ils avaient décidé de continuer à sortir des singles.
Synthpop kitsch, joyeuse et dansante d'un côté, fantaisies gothiques et ballades maussades de l'autre cohabitent sur ces onze pistes. Les deux membres, malgré des difficultés de communication, se laissent une grande marche de manœuvre. Alison se met au piano sur « Winter Kills » tandis que Vince expérimente sur « I Before E Except After » et « In My Room » avec des boucles de voix, jusqu'à rendre les morceaux insupportables. Pas forcément les pièces les plus utiles bien qu'elles trouvent leur logique avec la fabuleuse pochette signée Joe Lyons. Niveau ballades électriques, on préférera « Tuesday », un ersatz mélancolique d’ « Only You ».
En conclusion, les fans du premier album de Depeche Mode ne devraient pas être dépaysés avec ce Upstairs at Eric‘s. On retrouve la patte de Vince Clarke, qui expérimente un peu plus et qui, grâce à la performance et au style d’Alison Moyet, gagne en maturité et en profondeur. Avec une voix qui fonctionne autant quand elle se veut angélique ou quand elle dégage une énergie blues, elle était sans doute le meilleur feat. possible à cette époque. Le public fût en tout cas conquis, même si cela ne dura qu'un album supplémentaire.

(Pas dans mon panthéon mais sympathique et culte tout de même)
http://strangears.tumblr.com/

Strangeman57
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le 15 mai 2018

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