V
6.8
V

Album de The Horrors (2017)

Groupe non révolutionnaire mais collectionnant des dizaines d’étiquettes, The Horrors fait de cette contradiction une force depuis son premier méfait. A chaque nouvel album, ils surprennent en ne faisant pas la même chose que précédemment. Ce sont des héritiers de la démarche de Primal Scream en quelque sorte. Celle qui s’amuse à mixer différents éléments du passé avec la tendance du moment pour en faire un cocktail détonant. Ce qui avait très bien fonctionné sur le mémorable Primary Colours au point d’être devenu le sommet d’un mélange non original mais n’ayant pas engendré beaucoup de grandes réussites : celui du post-punk et du shoegaze.


En presque une décennie, Faris Badwan et ses potes n’ont pas laissé tomber ces musiques même si la leur a évolué. Passant par les cases psychédéliques, new wave, dance et dream pop. V (est-ce un intitulé bateau ou y a t-il un rapport avec la mythique série télévisée ?) c’est un peu pareil qu’avant, mais avec un truc en plus. Luminous avait annoncé une sorte de virage mainstream avec des compositions nettement plus lisses. Ce dernier disque conserve ses bases pour mieux les tordre. Puisqu’il est moins immédiat, plus lent et torturé. Les Britons amplifient leurs rythmiques dansantes pour les faire muter en un electro-funk implacable dans lequel se glisse quelques déflagrations industrielles. Ce n’est pas inédit bien sûr, puisque ça ressemble énormément à ce que faisaient les géniaux Curve. Toutefois, sans le chant sexy. Faris chantant comme d’habitude, c’est-à-dire tel un goth. Sa voix est grave, monotone et parfois un peu plaintive. Ce qui marche quand les chansons sont bonnes. Donc autant dire que ça fonctionne grave sur les meilleurs moments de cette sortie.


« Machine » est un tourniquet dance indus redoutable. Faussement répétitif, le morceau nous emporte dans sa danse grâce à son beat obsédant et son mur de son absorbant. « World Below » est plus insidieuse et menaçante même si le groove reste bien présent. Si leur sens de la mélodie fait mouche également sur « Point of No Reply » ou « Press Enter to Exit », c’est bien quand le groupe bâtit sa musique sous la forme d’un dancefloor ténébreux qu’il convainc le mieux. Ce n’est pas pour rien que le meilleur titre soit « Something to Remember Me By ». Un single qui finira, très certainement, dans le top des hits de 2017 tant il est brillant. A son écoute, on a un spleen qui pétille dans les yeux et les petons qui bougent tout seuls. Ça n’arrive pas souvent et c’est justement ça qui est beau.


Malheureusement, quand leur recette ne fonctionne pas, on se prend toutes ses limites en pleine tronche. C’est une observation récurrente depuis Skying et elle n’est pas sans raison : The Horrors a perdu une grande partie de son énergie. Ce qui passe lorsque le songwriting atteint des sommets devient ennuyeux lorsqu’il peine à faire décoller les morceaux. « Hologram » a un seul mérite, c’est de nous prévenir sur les dangers de cette orientation tant cette introduction est rebutante. Elle est d’une mollesse perturbante et le refrain s’avère tout simplement médiocre, comme une face-B d’une formation trip-hop de seconde zone. Même une petite sucrerie mélodique telle que « Gathering » ne parvient pas à nous faire garder les paupières ouvertes. Il ne reste donc plus que cette production aux effets inventifs. Seulement, un gros pudding sonore sans grandes chansons reste un gros pudding sonore. Autant dire que l’indigestion n’est jamais très loin, surtout quand les titres s’éternisent.


Si on peut féliciter les Horrors de ne pas vouloir s’enfermer dans un style, quitte à faire le grand écart (il est toujours étonnant d’entendre ce style de musique produite par un gourou du mainstream qui a travaillé avec Coldplay et Adele), on peut aussi leur en vouloir d’être inégaux dans leur inspiration. L’attente d’une œuvre équivalente à la qualité de l’excellent Primary Colours commençant à se faire sérieusement attendre.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
5
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le 18 déc. 2017

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