Pour justifier mon 3 sans passer pour un pédant complètement aigri, je vais invoquer quelque chose qui ressemble à une licence poétique. Une notion souvent utilisée à tort et à travers, pour justifier n'importe quelle association de mots incompréhensible, n'importe quel échec de rime, en disant, oui mais là, c'est de l'art.
À mon sens la licence poétique (et plus globalement artistique) est quelque chose de très subjectif, qu'on accorde à un artiste ; c'est une façon de se laisser prendre au jeu, de lui dire, je suis conscient de tes défauts (et chaque artiste en a, des tournures de phrases bancales du bateau ivre à la voix ridicule au premier abord de Robert Wyatt), mais là présentement, je les ignore, je te laisse m'emmener où tu veux, parce que c'est beau.
Comme je le disais, c'est très personnel ; c'est ce qui fait que vous pouvez mettre 10 à Joy Division alors que je ne peux pas leur mettre plus de 5. À l'inverse, je succombe à chaque écoute de Hymn to the Immortal Wind de MONO tout en étant parfaitement conscient que les ficelles sont extrêmement grosses. Je leur pardonne, et je comprends qu'on ne leur pardonne pas.
Alors bien sûr, certains critères "objectivés" peuvent être détachés, qui font qu'on peut se mettre à peu près d'accord pour dégager un Top 111, et, à l'opposé, des Christophe Maé et One Direction. Bon, et Fauve dans tout ça ? Pardon, FAUVE ≠ ?
L'EP Blizzard et le premier album faisaient partie de ces œuvres qu'on sait extrêmement bancales mais pour lesquelles on peut, à l'occasion, se prendre au jeu. Blizzard, peut-être, ou encore De Ceux, contenaient quelque chose d'assez fort, des instrus convaincantes, et même quelques phrases bien trouvées, qui faisaient que, oui, ça marchait.
Car Fauve a effleuré du doigt des questions plus profondes qu'il n'y parait : la réalité de l'amour, le questionnement existentiel, la misère de la condition humaine... On pourrait les critiquer en n'y voyant que des pleurnichements de babtous fragiles, je pense que ce serait se tromper : ce sont là des questions universelles, qui touchent chaque être humain.
Alors que s'est-il passé sur cette deuxième partie ?
Bah pas grand chose : Fauve tente de rester sur la même recette qui était déjà usée dans la partie 1, or c'est une recette qui ne tient pas la durée : à force de se complaire dans la marginalité finit par ressortir une inévitable lassitude . On ne pardonne plus ces énièmes vers bancals (bancaux ?) dits toujours du même ton faussement détaché. On est agacé par ce mec qu'on ne connaît pas qui toujours débite ses récitals (récitaux ?) centrés sur sa vie. Ce qui tenait encore (bien que déjà branlant, mais ça faisait partie du truc) par une certaine identification et une qualité des instrus finit par s'effondrer, sans que rien de nouveau ne vienne l'étayer.
Restent quelques morceaux qui parviennent à nous rappeler ce qu'on avait pu ressentir à la première écoute, comme Sous les Arcades ou encore Les Hautes Lumières qui, l'espace d'un instant, ravivent une pointe d'intérêt dans un esprit désolé. À l'opposé, les morceaux qui tentent quelque chose, échouent assez malheureusement, ainsi les rythmes africains de T.R.W. sont vite ensevelis sous les logorrhées habituelles, et le morceau Azulejos, en se débarrassant des instrus, met à nu son échec poétique...
Finalement, le phénomène n'était peut-être pas fait pour durer, ou du moins devait-il se renouveler ; ici Fauve tourne en rond comme un lion en cage...