C'est incontestable, Francis Cabrel fait partie des très grands créateurs de la chanson française, il en a écrit quelques-unes des plus belles pages. Chacun a, gravé dans un coin de sa mémoire, une de ses chansons qu'il fredonne comme un réflexe au détour d'une émotion. Francis Cabrel a des influences c'est certain, celle de Bob Dylan, peut-être. Il veut lui rendre hommage, pourquoi pas. Malheureusement l'entendre, lors de la campagne de promotion de l'album, tenir des propos qui laissent à penser qu'il se hisse presque à la hauteur du grand Bob, comme de prétendre qu'ils font la même musique, cela le disqualifie en grande partie. Il n'est pas question de remettre en cause son immense talent, mais de le ramener aux justes frontières de l'hexagone que la chanson française a tant de mal à dépasser. Ce dernier album de Cabrel n'apportera rien de plus à l'exportation de la francophonie, d'autant que les ventes de notre Francis aux U.S.A. du grand Bob sont inexistantes.
Francis Cabrel, depuis l'album Hors-Saison, connait une inéxorable baisse de qualité et à tendance à ne montrer de sa musique que les aspects caricaturaux que Laurent Gerra avait singé avec plus ou moins de talent. Vise Le Ciel ne vient que confirmer cette tendance et même grossir le trait. Le fait qu'il s'agisse d'un album de reprises ne fait qu'aggraver les choses tant on sent qu'il a été difficile d'écrire ces adaptations. On ne le dira jamais assez, les langues anglaises et françaises n'ont pas la même rythmique, la quirielle d'adaptations du temps des yé-yé l'a bien démontré, les versions françaises des chansons anglaises sont souvent médiocre, alors que l'inverse est souvent meilleur.
Cet album cummule donc, en pire, tous les défauts que les détracteurs de Cabrel se plaisaient à réciter à chaque nouvelle production. Le premier est la difficulté incroyable qu'il y a à reconnaître les chasons originales dans les versions que propose Cabrel alors que c'est le premier réflexe de chaque auditeur. C'est presque un jeu, tester sa culture Dylan en trouvant le titre original. Mais Cabrel réarrange à outrance, ralenti sans cesse, accélère à l'occasion, étire parfois à l'extrême les versions U.S. que le jeu devient un casse-tête.
Il faut ajouter tous ces défauts habituels de Cabrel qui ici ne pardonnent pas, des paroles parfois artificielles, aléatoires et souvent très mal câlées sur les compositions et les arrangements. Certaines strophes ont une syllabe en trop ou en manque, mais peu importe Cabrel les passe en force et abîme ainsi les chansons de son maître à écrire. Cela donne des versions pénibles à écouter qui trainent en longueur et ne rendent absolument pas hommage à leur créateur.Vocalement, Cabrel est toujours présent et conserve cet accent dont il faut reconnaître qu'il est assez étrange à entendre sur du Dylan. On pense souvent qu' un artiste confirmé faisant un album de reprises ne le fait pas par manque d'inspiration, Voulzy avait déjà démontré le contraire, Cabrel le confirme. La suite de sa carrière se profile alors avec de gros points d'interrogations, doit-il persister en basculant toujours plus dans la chanson engagée qui ne lui va pas du tout ? Doit-il tout raser et se remettre à créer comme un débutant ? Doit-il peut-être songer à une retraite anticipée avant que le pathétique ne le submerge et se consacrer à Astaffort et à la découverte de jeune talent ? Ce qu'il fait si bien. Son prochain album original sera la réponse à cette question.