Toute musique a une histoire qu'elle conte involontairement. L'histoire de Grimes est celle de la rose à l'apparence candide et aux épines redoutables, celle du serpent ensorceleur qui attire et hypnotise pour mieux mordre. Les chansons ici présentes déversent leurs venins existentiels perturbants derrière des nuées de mélodies pop, une voix virginale et une bouille de gosse angélique. Le tout sans être pompeux. Un véritable exploit.
Claire Boucher de son vrai nom est en fait l'une des sensations indie/hipster/underground de l'année, après deux albums parus coup sur coup en 2011 qui laissaient beaucoup augurer. Celle-ci est revenue cette année avec un album plus abouti que jamais, d'une maîtrise assez incroyable à vrai dire après deux essais valeureux.
Avec de belles nappes de synthés et une musique électronique plus planante que jamais, Grimes avait impressionné son monde du haut de cette musique synthétique et organique, à l'émotion souterraine impalpable mais terriblement distinctive. Il faut dire que Grimes sonne comme peu de chose connu, avec ces bouts de mélodies pop bien cachés derrière des boucles psychés que n'auraient pas renié Aphex Twin. Un réel ovni mais en même temps une évidence limpide dans une génération où pop et musique électronique ne cessent d'emprunter l'une à l'autre, rendant les frontières de plus en plus floues.
Tout chez Grimes semble tendre vers l'évocation d'une sensation, d'une image, pas même d'une idée, encore moins d'un récit, avec une fragilité enfantine. Air période "Sexy Boy" rôde et on sent le potentiel immense qui se dégage de la gamine. Au charisme fou. Il n'y a qu'à voir sur scène, elle a la gueule et l'accoutrement pour le taf.
On ne peut donc que lui souhaiter le meilleur et écouter encore une fois cette livraison, son meilleur album à ce jour, l'exceptionnel Visions.