A la sortie d’Eyelid Movies, on avait pris Phantogram pour une simple curiosité recrachée par la chillwave alors en plein déclin. La faute à la trop grande quantité de groupes kleenex qui s’étaient lancés dans cet Eldorado électronique. Joshua M. Carter et Sarah D. Barthel étaient bien plus que ça. Ils étaient l’héritage d’une pop électronique, tranquille mais aventureuse initiée par plusieurs tendances des années 2000 (et même des années 1990) comme le genre pré-cité certes, mais aussi le Radiohead de l’après OK Computer, celui d’Amnesiac particulièrement.
L’inconvénient quand on parle de formations dures à étiqueter, c’est qu’on se retrouve à employer des termes absurdes pour essayer de décrire une musique inclassable. Est-ce de la post-pop ? Pourquoi pas. Les termes officiels collant aux basques des Américains sont glitch pop et indietronica. Cela ne veut pas dire grand-chose, mais au moins on sait que leur musique est proche de l’électro et de la pop.
Pop, ce disque l’est clairement. Plus que leur précédent album qui n’était pourtant pas avare en mélodies mémorables. On est aussi toujours dans un climat propice à la rêverie. Proche de la dream pop donc ? Exactement.
Électro, il l’est également. Il évolue dans une tradition initiée par le trip hop avec ses rythmiques marquées et ses basses profondes. Ce qui amène par extension au hip hop (notamment pour son travail sur les samples) et à la soul voire au R&B.
Le duo rassemble beaucoup d’influences, mais a su les concentrer en un seul point pour se créer une patte forte et identifiable. Le fait d’être au carrefour de plusieurs genres peut être à double tranchant quand les qualités intrinsèques d’une musique sont absentes. Ce n’est pas le cas ici, car les chansons sont présentes et elles sont transcendées par la voix puissante de Sarah Barthel. Une chanteuse dont le talent était déjà indéniable auparavant. Constater qu’elle s’est mise plus en avant cette fois-ci est donc une très bonne nouvelle ! Nettement plus impliquée dans ses paroles (qui sont plus sombres), elle interprète de manière moins détachée ses chansons quitte à être au bord de la rupture (« Black Out Days » et le dépressif « Bad Dreams »).
Beaucoup de détails confirment que le couple souhaite élargir son audience. Même si les atmosphères mystérieuses l’entourant commencent à se dissiper, sa musique conserve toute sa substance. Grâce à une belle alliance entre les arrangements mi-électro, mi-hip hop et la qualité des mélodies. « Fall In Love » est l’exemple même du single judicieusement choisi tant il a le potentiel d’être un hit imparable. On saluera également l’esthétique de son clip en noir et blanc très réussi.
Voices n’a pas vraiment de défaut. Seul sa forte identité entre pop, R&B assombri et électro peut les empêcher de toucher un large public. Il y a néanmoins un détail qui pose toutefois plus de problème que sur leurs anciennes sorties : Joshua Carter. Il est indispensable dans la musique de Phantogram car il arrange et produit tout. L’inconvénient, c’est qu’il s’agit d’un chanteur exécrable. Il n’a aucun charisme et chante tellement mal qu’il en est obligé de faire passer sa voix à travers des filtres et des effets.
Cela n’était pas gênant avant, car il se réservait quelques-uns des meilleurs morceaux de son groupe. Il est toutefois évident qu’il doit désormais laisser Sarah Bartel assumer seule le rôle de vocaliste. Les titres dont il a la charge ne sont pas mauvais car ils sont sauvés par des refrains puissants et émouvants (même si « Never Going Home » ressemble à une balade de Phil Collins, ce qui n’est pas du meilleur goût…). Pourtant, on rêverait qu’ils soient interprétés par Mademoiselle Bartel.
On leur pardonnera ce léger faux pas, il n’est pas non plus préjudiciable. Surtout qu’il prouve leur capacité à chercher même s’ils avaient su acquérir une grande maturité de leur style dès le départ.
On priera surtout pour que leur prochaine offrande ne mette pas une éternité pour paraitre (Voices étant sorti 4 ans après Eyelid Movies !). Leur musique froide et pourtant charnelle (comme celle de… Curve ou encore Depeche Mode qui sont des exemples que je ne prends pas au hasard) ne méritant pas de tomber dans l’oubli, bien au contraire.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.