VU
7.8
VU

Compilation de The Velvet Underground (1984)

Un fantôme qui joue véritablement sur du velours.

Sous l'annonce d'une "collection of previously unreleased recordings", les fans n'ont pas vu le coup venir...au coeur..Sur la platine, un fantôme joue en effet sur du velours ! Sortie en 1985 par Verve Polygram, sous la supervision de Bill Levenson, cette compilation charme tout particulièrement. Captives des archives MGM où elles reposaient depuis une dizaine d'années, ces chansons émergent lors d'années bien pourraves quand MTV dominait le mainstream. Une bouffée d'air frais dans un étouffoir consumériste.... Un cadeau inattendu et inespéré.

Une faille temporelle dévoile alors dix titres comme enregistrés la veille. Tandis qu'Ocean baigne dans son mix d'origine, les autres titres sont retravaillés selon les standards des années 1980, suscitant quelques critiques au passage, avec un son très net, surprenant même au vu de la signature du Velvet Underground, peu suspect d'audiophilie...Le succès commercial de ce revenant fut au rendez-vous. Pochette superbe par ailleurs avec une trouvaille évidente. L'émotion atteint ici une zone critique. Une véritable malle aux trésors ouverte comme par magie.

VU offre particulièrement le "quatrième album perdu" destiné à sortir le Velvet de son contrat avec la MGM qui boucla les chansons au coffre avec un sacré contentieux à régler, tandis que le label exigeait des milliers de dollars au groupe (rires). L’incompréhension est alors immense entre les deux parties. Le président Mike Curb, futur chantre du rock chrétien (sic) et militant du parti Républicain, chargea la bête : “Voilà comment se comportent les groupes sous drogue dure : ils arrivent à votre bureau, insultent votre secrétaire, font perdre leur temps aux gens de la promo, maltraitent tous les employés de la boîte, ne montrent aucun enthousiasme pour aller en studio, abîment le matériel et, en fin de compte, finissent par se plaindre et rompre leur contrat.” Vu comme ça évidemment....

Après le départ de John Cale à l'automne 68, insidieusement poussé vers la sortie par Lou Reed en proie à une crise d'ego carabinée, le groupe se fait plus cool et mélodique. Le Gallois, qui ne reculait devant aucune expérimentation bruitale et torturée jusqu'à fabriquer à l'instinct ses propres amplis, cède donc la place à son frère ennemi, plus calme à l'époque, encore loin du très curieux Metal Machine Music. Sur le disque VU, John Cale est seulement présent sur deux titres enregistrés en février 68 avant d'être remplacé par Doug Yule (chant, basse, clavier entre autres...). Au passage, Reed prend la nouvelle recrue pour le simplet de service : “Je jouais avec l’innocence de Doug. Je suis sûr qu’il n’a jamais compris un mot de ce que je disais. Il ne savait pas de quoi je parlais.” Désormais seul maître à bord, Lou Reed apporte les chansons et le reste du groupe exécute. A la manoeuvre, Lou avoue préférer alors les "jolies choses" à la distorsion et au vacarme "pour toucher davantage les gens", passant de la griffure à la caresse : "Nous sommes désormais un groupe joyeux et heureux " dit-il même dans un interview de l'époque...authentique...si, si....Lou Reed, oui je sais....

Sur une formidable rythmique, I Can't Stand It Anymore allume le feu. Très bien accompagné par Sterling Morrison, Lou Reed joue de la voix et de la guitare à l'aise sans oublier de balancer un feed back du plus bel effet. Les lyrics évoquent treize chats morts et un chien violet dans le couloir d'un looser attendant le coup de fil de Candy, soit...Après cette introduction nerveuse, la ballade Stéphanie Says surjoue l'innocence fragile à l'instar de Sunday Morning. En douceur, John Cale joue du violon et chante avec Lou Reed...frissons garantis...She's My Best Friend donne ensuite le chant à Doug Yule dont le timbre est si étonnamment proche de celui de Reed qu'on peine à les distinguer sur cette belle mélodie pop. Sur des percussions bien insistantes, Lisa Says traine un peu et Lou force la voix, il faut bien l'avouer. On passe rapidement à la suite avec le planant et majestueux Océan. Cette fois, le chant, la poésie et la guitare de Lou Reed tiennent pleinement la chanson. Maureen Tucker l'accompagne avec des marées de cymbales avant de cogner très fort à la fin aux maillets. Après cette torpeur un peu lourde surgit Foggy Notion. Porté encore une fois par une rythmique de folie et un jeu de guitares complice, Lou Reed chante avec une belle conviction sur ce rock de grand style. Chouette morceau que Temptation Inside Of Your Heart. Les membres du groupe, dont John Cale qui joue aussi de la basse, chantent, rient et plaisantent comme de vieux copains capturés sur le vif en jam session. One Of These Days surprend un peu car Reed aventure sa voix en terrain glissant mais la combinaison batterie, basse, guitares finit par récupérer la mise. Sur un bon groove et des textes improbables, Andy's Chest la joue cool pour se finir sur des "swoop swoop, baby, rock rock"....En mode comptine, Maureen Tucker chante a capella I'm Sticking With You...secourue enfin par Lou Reed dans une parodie de chanson d'amour enjouée. La musique finale prend une tournure presque liturgique. Le disque s'achève donc sur cette touche décalée et fragile, même improbable.

Pendant des années, les fans ne surent presque rien de ces chansons à l'exception de quelques-unes reprises par Lou Reed dans sa carrière solo : I Can't Stand It, Lisa Says et Ocean échouèrent sur son premier album un peu foiré. Andy's Chest trouva une belle place sur Transformer en 1972 avec un Bowie fan de la première heure. L'année suivante, Berlin vampirisa la balade Stephanie Says dans une tournure plus mélancolique et crépusculaire. Et She's My Best Friend reprit du service sur le superbe Coney Island Baby, si cool classique du Lou.

En 2014, pour le 45ème anniversaire de l'album Velvet Underground, un coffret SuperDeluxe de 6 CD - disponible aussi en streaming - présenta des sessions de l'époque enregistrées au Record Plant de New York. Une occasion supplémentaire de se plonger dans ces précieuses archives. En effet, le quatrième disque de ce coffret offre la plupart des titres de VU avec des mixes inédits – trois originaux de 1969 (Foggy Notion, I'm Sticking With You, Andy's Chest sans compter Ocean) et six nouveaux datés de 2014. Ca vaut franchement l'écoute tant certains titres se distinguent amha nettement des versions sorties en 1985, quitte à les surclasser.

Première d'une longue série de compilations à venir dans des coffrets pour complétistes, VU dévoile donc de beaux inédits dont la fraîcheur surprend encore des années plus tard. Cela frappe juste et fort. La grâce ?

Créée

le 29 déc. 2023

Modifiée

le 14 mai 2024

Critique lue 8 fois

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