Waka/Wazoo
7.6
Waka/Wazoo

Compilation de Frank Zappa (2022)

Qui aurait cru que les prémices des sessions de Waka/Jawaka et The Grand Wazoo, albums hautement jazzy et orchestraux, auraient débuté un 10 avril 1972 par Your Mouth, un jam en forme de Blues tranquille, Zappa à la guitare et sur un fauteuil? Avant bien sûr que le festivités ne commencent réellement avec un Big Swifty en prise alternative qui sera joué pendant des années, un beau soir d'Halloween 73 jusqu'au printemps 1988 lors d'une tournée d'adieu alors que personne ne le savait encore. Les sessions d'enregistrement, colossales, accoucheront de deux albums phares de la carrière de Zappa, conviant à ce titre palanquée de nouveaux musiciens dont Jim Gordon pour la tournée, rescapé des musiciens encore en vie de Derek & The Dominos, Tony Duran qui officiera à la guitare sur une poignée d'albums du moment ou encore l'immortel second couteau Aynsley Dunbar et sa jolie frappe pour la partie studio.

Des types tout de même capables de jolis élans gracieux lors d'une décontractée et belle comme le jour outtake de Blessed Relief, plus longue que sa version officielle, plus touffue. Think It Over, autre nom, autre manière de penser de The Grand Wazoo, est ici affublée de lyrics mâchouillées par Sal Marquez et Janet Ferguson qu'on aura entendue sur 200 Motels, dans une atmosphère virant free à mi-parcours. Cette fascinante aisance à déstructurer les morceaux en plusieurs pièces est évidente sur la vaporeux et liquide For Calvin (And His Next Two Hitch-Hikers), qui change dix fois de structure et de ton en 8 minutes 10 chrono montre en main, ainsi que It Just Might Be A One-Shot Deal et ses passages pop légers aussitôt fracassés à même le sol.

Il est donc impossible pour Zappa d'accoucher d'un seul album, même double, lorsque l'inspiration frémissante des sessions semble s'accélérer à mesure que le travail avance. Plus encore que jamais, ce qu'on entend et entraperçoit par le judas des studios Paramount sur Waka/Wazoo est d'une grande valeur historique et artistique, l'intégralité des chutes et prises alternatives auraient pu figurer sur une discographie officielle voire dispatchées sur autant de projets fous dans l'esprit d'un Meat Light ou, plus rock, Hot Rats (dont Waka/Jawaka aurait pu être affublé de l'Appellation d'Origine Contrôlée Hot Rats II). Car à n'en pas douter, Waka/Wazoo sait aussi se faire rock et se muer en virtuose de la six cordes : Eat That Question (Alternate Mix) se montre costaud et clôt en beauté les sessions studios.

Considéré comme le petit plus du projet avec l'ultime live du Wazoo au Winterland Ballroom de San Francisco le 15 décembre 1972, les séances d'enregistrements de compos de George Duke cimentent s'il fallait le démontrer encore l'amitié entre El Mustacho et le génial claviériste, accouchant d'une poignée de titres aussi décontractés que funky, dont un Psychosomatic Dung qui n'en est vraiment pas une, un instrumental d'Uncle Remus qui semble être la version retenue sur Apostrophe('), avec un clavier un poil lourd davantage mis en avant, un Love qui démarre comme un Steevie Wonder de la même époque avant que Zappa ne vienne parasiter l'ensemble de sa joyeuse morsure wah-wah. Les outtakes présentes en sus des "Master Versions" sont dans l'ensemble du même niveau qualitatif, piste par piste et valent le détour.

Le live du Winterland Ballroom, fermant la page de l'Ensemble Wazoo avant de virer rock bien fichu, est le plateau de douceurs que tous les gourmands de Frank Zappa attendent. D'une remarquable tenue et à la setlist folle (extraordinaire réinterprétation de Chunga's Revenge), ce live est aussi triste dans le fond qu'enjoué sur scène, mené par une formation venue faire gicler et swinguer jazz malin, blues virtuose, rock fin comme un Pinot noir. Waka/Wazoo c'est le formule trois en un qui réchauffera les fidèles tout l'hiver.

XavierChan
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le 30 déc. 2022

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