Difficile de résister. Difficile de ne pas faire l’analogie avec la mythique formation, alors évacuons tout, tout de suite. Oui The Smile suinte son aïeul par tous les pores. De l’ambiance sonore pesante quasi mystique, aux structures des compositions en passant par la voix aérienne de Thom Yorke et les textes dont il a le secret, on retrouve quasiment tous les tics de langage qui ont fait la renommée de Radiohead au fil du temps. Le supergroupe constitué ici ne serait-il donc qu’une énième resucée pour capitaliser sur un glorieux passé ? N’allons pas si vite en besogne.
Déjà, ce serait oublier la présence du troisième larron en la personne de Tom Skinner. S’il s’avère discret, comme son jeu de batteur de jazz le lui demande, lui, le membre de feu Sons of Kemet, n’en est pas moins une pièce fondamentale du puzzle de création. Il donne l’aération rythmique, s’adapte, puis dicte les changements de tempo et permet le côté imprévisible de segments de morceaux. Certains travaillés sur la période des lives de la tournée du précédent disque. C’est notamment le cas de Bending Hectic, sorti à l’orée de l’été dernier, plage monumentale, lancinante, s’étalant de tout son long, dans un esprit indie jazzy-rock expérimental contenu, avant de partir dans une envolée de cordes qui se fracassent au bout de 6 minutes sur une outro que ne renierait aucun band shoegaze qui se respecte. Un titre laboratoire, résumé complet de ce qu’est le reste de l’album.
Les différents éléments mentionnés sont en effet dispersés et éparpillés un peu partout. Des apport de cordes viennent maquiller le final You Know Me! ou apportent une dimension limite cinématographique à la seconde moitié de I Quit.
Des échantillons jazz, voire world music, sur l’éponyme Wall of Eyes et Friend of a Friend, des titres frontalement plus rock avec Under our Pillow (sorte de part. II de The Opposite) mais surtout Read the Room, l’un des temps forts de l’opus.
Au même titre que l’électronique Teleharmonic à l’énergie hypnotique, que l’on croirait tout droit sorti du solo de Yorke, le très bon Anima.
Vu ainsi, ce tout, condensé en huit titres seulement, peut donner l’impression d’une usine à gaz à la recherche d’expériences à tout prix. Et c’est là que la magie opère encore une fois. Plutôt qu’être ampoulé, tout est bien huilé, dosé, savamment orchestré sous une effluve d’effets par Greenwood, dont ce band parallèle aura au moins le mérite de venir définitivement prouver la place prépondérante dans le succès discographique de leur vénérable entité. On ne part pas dans tous les sens, c’est d’une homogénéité sans faille, on se laisse totalement transporter par ce travail d’orfèvres. C’est en même temps sophistiqué et abordable, une mosaïque de mille idées qui ne finissent par ne ressembler qu’à un seul fil conducteur. La véritable force du projet.
Avec l’album dit de la confirmation, The Smile a su se construire sa propre identité, avec ses propres codes tout en s’appuyant sur l’héritage familial, en quelque sorte. Ce n’est pas simplement du « Radiohead-like », le trio sait se sortir du piège de la facilité en ne restant jamais sur ses acquis, évoluant d’un morceau à l’autre. Et puis, entre nous, si tant est que c’en fût, serions-nous vraiment gênés, hein ?
(chronique issue de l'article The Smile - Wall of Eyes: une mosaïque de mille idées)